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Arrivé dans les parties vertes de la plante, et surtout dans les feuilles, ce gaz est décomposé ; son oxigène se dégage, le carbone reste, et, combiné avec des proportions variables d’eau ou d’ammonium, il donne naissance, comme nous l’avons vu, aux principes fondamentaux de l’organisation.

Les parties vertes des plantes désoxigènent donc le carbone : elles constituent ce qu’on appelle en chimie un appareil de réduction, appareil admirable et jusqu’à ce jour inimité, qui décompose à froid un des corps les plus stables que nous connaissions. Mais pour que cette propriété remarquable se développe, pour que les forces chimiques de la vie végétale entrent en action, l’intervention de la lumière est indispensable. Dans l’obscurité, les feuilles n’absorbent plus d’acide carbonique ; celui qui leur arrive du sol n’est plus décomposé. Il traverse sans altération le tronc le plus considérable et s’échappe à travers les pores de la plante comme à travers un simple crible. Pendant la nuit les végétaux ne croissent pas, ils ne vivent pas pour ainsi dire, et c’est pour eux surtout que la lumière et la chaleur solaires ont toute la puissance du feu divin que Prométhée déroba aux cieux pour animer sa statue.

Nous connaissons les sources d’où les végétaux retirent l’hydrogène, l’oxigène et le carbone ; mais d’où leur vient l’azote, ce quatrième élément non moins essentiel pour eux, bien plus nécessaire encore aux animaux qui vont chercher dans les plantes leur unique nourriture ? Le règne végétal nous offre à cet égard une grande variété. Parmi les espèces qui le composent, il en est qui empruntent à l’air une grande partie de leur azote : d’autres le demandent presque en entier aux matières organiques en décomposition, c’est-à-dire aux engrais. Ici se présente une de ces considérations qui prouvent quel intérêt pratique s’attache souvent à des résultats purement scientifiques en apparence.

On connaît toute l’importance de cette question des engrais, dont l’agriculture de tous les temps et de tous les peuples a cherché la solution. Thaër a posé en principe que plus une substance était animalisée, c’est-à-dire azotée, plus elle était propre à rendre à un terrain épuisé sa fécondité première. De son côté, M. Boussingaut a reconnu que les fourrages les plus actifs étaient ceux qui contenaient le plus d’azote. On voit que l’action épuisante de la végétation s’exerce principalement sur les substances qui renferment cet élément. La question des engrais peut donc se poser en ces termes : reconnaître quelles sont les plantes qui empruntent le moins d’azote