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Une détermination du même genre était bien autrement difficile dès qu’il s’agissait de l’hydrogène. Ce corps n’existe qu’à l’état gazeux : il est environ quatorze fois plus léger que l’air, et de cet ensemble de circonstances il résulte qu’on ne saurait en peser une certaine quantité avec la précision absolue qu’exigent ces sortes de recherches. Il fallait arriver par des moyens détournés : c’est ce qu’a fait M. Dumas. Sous l’influence d’une température élevée, l’oxide de cuivre a la propriété de céder son oxigène à certains corps, et l’hydrogène est de ce nombre. La combinaison de l’hydrogène et de l’oxigène donne de l’eau. M. Dumas a fait passer un courant d’hydrogène pur sur de l’oxide de cuivre dont le poids avait été préalablement déterminé, et a recueilli toute l’eau qui se produisait. Après l’opération, il a pesé de nouveau l’oxide de cuivre et reconnu combien cet oxide avait perdu pendant l’expérience, c’est-à-dire combien il avait cédé de son oxigène à l’hydrogène. Connaissant d’ailleurs le poids de l’eau qui s’était formée, il a pu en conclure le rapport des quantités des deux gaz employés dans sa composition, et déterminer l’équivalent de l’hydrogène avec une précision dont on n’avait pas encore d’exemple. Dans cet exposé succinct des procédés de M. Dumas, nous avons supprimé tous les détails techniques. Pour donner une idée des difficultés extrêmes de ce genre de travaux, nous ajouterons qu’il a fallu des mois entiers de démarches infructueuses avant d’avoir pu se procurer un ballon de verre propre à contenir l’oxide de cuivre ; que, pour chaque expérience, plusieurs jours étaient employés à préparer et à monter l’appareil compliqué où l’hydrogène, passant de tube en tube, se dépouillait successivement de toute matière étrangère et de toute humidité. Chaque expérience durait près de vingt heures, et c’était seulement vers les deux ou trois heures du matin que l’opérateur pouvait procéder aux pesées et reconnaître, par les moyens ingénieux qu’il s’était ménagés, si tant de soins et de peines n’avaient pas été inutiles. Souvent l’expérience avait manqué : quelques traces d’humidité se montraient dans les tubes-éprouvettes, il fallait recommencer. Sans se décourager, M. Dumas se remettait, dès le lendemain, à l’ouvrage. Une cinquantaine d’essais ont été faits ainsi ; dix-neuf seulement ont réussi. — Certes, nous devons tous de la reconnaissance aux hommes dont l’esprit conçoit ces importans travaux, qui savent les mener à fin avec cette consciencieuse persévérance. L’Académie des Sciences, appréciant toute la valeur des recherches entreprises par son vice-président, avait manifesté l’intention de prendre à sa charge les dépenses considérables qu’elles