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DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

ciétés. C’est un système qui naguère a eu des défenseurs ardens ; peut-être l’ont-ils abandonné pour un autre. Il s’appelait alors le progrès continu ; aujourd’hui il a changé de nom, à ce qu’il semble : il est devenu le progrès intermittent.

Si M. Pierre Leroux veut être pris pour un écrivain sérieux, il est temps qu’il sorte du cercle de ses hésitations et de ses inconséquences. Il prétend qu’après le communisme se réalisera la vraie doctrine de l’égalité, et que cette réalisation sera le produit d’un principe supérieur. Qu’il daigne donc descendre sur notre globe, ce principe merveilleux ; qu’il dise ce qu’il est, quel bien il doit faire, quel mal il peut empêcher. Si ce principe n’est pas celui de Saint-Simon et de Fourier, qui admettent une répartition proportionnelle ; s’il n’est pas celui d’Owen et de Babœuf, qui consacrent l’égalité absolue ; s’il n’est ni le rêve de Campanella ni celui de Morelly, ni la vie conventuelle des esséniens et des moraves appliquée au monde profane, ni la révolte de Wiclef et de Muncer, ni l’extase des millénaires, ni la discipline des missions du Paraguay, ni le manifeste des égaux, ni le régime des icariens, qu’il se révèle, qu’il se fasse connaître ; l’attention, sinon l’enthousiasme, ne lui manquera pas. Il y a encore place ici-bas pour les idées vraiment fécondes. Seulement l’heure est arrivée de quitter les divagations pour des énonciations précises. On peut monter sur le Sinaï et y séjourner dans les nuages pour attendre l’inspiration ; mais il faut en descendre avec les tables de la loi à la main. M. Pierre Leroux a épuisé le droit qu’a tout penseur de distribuer des paroles vides ; on attend désormais de lui autre chose qu’un mysticisme impuissant et diffus. Peut-être ses vues ne se sont-elles jamais portées au-delà d’un christianisme philosophique renouvelé de Saint-Simon, d’une papauté politique tempérée par des pouvoirs discrétionnaires. Dans ce cas, qu’il avoue sa prétention et qu’il la justifie, s’il le peut.


Tels sont le mouvement et la filiation des idées et des sectes communistes. On voit qu’elles n’ont jamais manqué d’interprètes, et que cet héritage s’est fidèlement transmis de rêveurs en rêveurs sans que la valeur en ait augmenté et que la clientelle s’en soit accrue. Rien ne périt ici-bas, pas plus le faux que le vrai ; tout égarement trouve de nouvelles victimes, toute folie pousse des germes et se reproduit obstinément. Qui pourrait assurer que ce ne sont pas là des exceptions, des anomalies nécessaires ? Peut-être les sociétés ont-elles besoin de ces activités inquiètes qui agissent sur elles comme aiguillon, et qui, en demandant l’impossible, les obligent à agrandir le cercle des amélio-