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Quand on les voit, sveltes et fières, traverser ainsi leurs vastes forêts, on se rappelle la chaste Diane, et l’on ne doute pas qu’elles ne fussent capables de punir, aussi bien que l’antique déesse, la témérité d’un nouvel Actéon.

Les Mirdites du sud, comme ceux du nord, suivent le rite latin mêlé de cérémonies grecques ; leur clergé végète dans une telle ignorance, que beaucoup de prêtres ne savent pas lire ; aussi les moines franciscains envoyés par le pape, ou pour mieux dire par l’Autriche, exercent-ils une autorité suprême sur tous ces chapelains de famille et ces curés laboureurs réduits à vivre du travail de leurs mains. Le nombre des Mirdites du sud est évalué à 70,000, divisés en trois phars, qui comptent douze mille guerriers. C’est de leur sang que naquit, à Ak-Seraï, le terrible George Castriote ou Skanderbeg qu’ils chantent toujours sous le nom de dragon d’Albanie. Depuis 1595, époque où le fils de ce héros émigra en Italie, le pays, dans sa partie méridionale, est gouverné simultanément par l’évêque ou abbé mitré d’Oroch où Orocher, et par une dynastie militaire du nom de Doda. Le chef ou l’aîné de cette famille, résidant à Oroch, est d’ordinaire reconnu prince par tous les Mirdites méridionaux, qui, en centralisant ainsi le pouvoir, parviennent à se rendre formidables. Plus nombreux encore, les Mirdites septentrionaux sont cependant moins puissans, car ils vivent moins unis et se partagent entre différens chefs électifs.

Au midi de la confédération des Djègues ou Albanais rouges habite celle des Toskes, qui furent long-temps les seuls Albanes ou blancs ; ils occupent le territoire des Partheni (Albanais primitifs). Ces districts calcaires et stériles peuvent à peine fournir de l’herbage aux troupeaux que les pâtres toskes, étrangers à toute agriculture, sont forcés d’échanger contre les blés de leurs voisins. Cependant, auprès du Djègue morne et trapu, le Toske brille par sa taille svelte, son élégance et la vivacité de son esprit ; parmi les guerriers albanais, il n’en est point dont l’extérieur annonce plus de jactance. Les yeux du Toske étincellent de finesse, mais leur direction oblique révèle la fausseté qui fait le fond de leur caractère. Les Toskes, en effet passent avec raison pour les plus perfides des Albanais.

Les phars chrétiens de ces tribus sont schismatiques grecs, et les phars musulmans sont du rite chiite, ou de la secte d’Ali et des Persans, par conséquent très opposés aux Turcs, qui sont sunnites et ont en horreur tous les partisans d’Ali. Les chrétiens occupent Mou-