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REVUE. — CHRONIQUE.

candide et plus inoffensif. L’Angleterre le proclame et voudrait bien nous faire croire qu’elle en est sérieusement convaincue. Qu’on dise ensuite que la politique ne se prête pas à la haute comédie !

En attendant, la question du paupérisme a pris en Angleterre un degré de gravité extraordinaire. Les fluctuations de l’industrie britannique sont effrayantes. De toutes parts, on demande un remède pour ces maux si cruels. Hélas ! où est-il le remède ? Lorsque les conséquences d’un système artificiel et de sa nature précaire se développent sur une échelle gigantesque, encore une fois où est le remède ? Hommes inconséquens qui secondez et défendez les principes dont le mal dérive, et qui vous irritez ensuite et vous effrayez des résultats de ces principes ! Ces légions d’hommes qui se meurent de faim, ces femmes qui disputent aux animaux les débris d’une hideuse nourriture, ces enfans qu’on jette par milliers dans les profondeurs humides et sombres des mines, ces infortunés auxquels on n’accorde pas même de mourir à l’air, au soleil, c’est votre système prohibitif, protecteur, qui les a enfantés. Les voilà, ces populations que vous avez stimulées, ces hommes que vous avez fait naître en serre chaude ! Voyez votre œuvre, et soyez-en fiers !

Ce n’est pas la première fois qu’une effroyable misère décime les ouvriers anglais ; ces crises douloureuses sont en quelque sorte périodiques de l’autre côté de la Manche. L’Angleterre a toujours résisté à ces secousses intérieures, et nous sommes loin de croire qu’elle puisse en être rudement ébranlée cette fois. Il n’est pas moins vrai que le mal a des racines profondes et durables, et que tôt ou tard la question économique se mêlera d’une manière fâcheuse aux questions politiques et aux luttes des partis. Quoi qu’il en soit, ce danger ne paraît pas imminent, et les bruits qu’on a répandus hier à la Bourse ne sont dus probablement qu’aux combinaisons ingénieuses de quelque joueur. Ajoutons cependant que la nouvelle était trop absurde pour pouvoir être accueillie même à la Bourse. Ce n’est pas sur Londres que les populations affamées de l’Angleterre pourraient diriger leurs tentatives de rébellion ; elles n’ignorent pas qu’elles y trouveraient une prompte et sévère répression. Les riches n’aiment guère seconder les insurrections de la misère.

Au milieu de ces difficultés et de ces malheurs, l’Angleterre est en même temps affligée de je ne sais quelle abominable manie de régicide. Des êtres abjects, sans aucune vue politique, pour satisfaire une atroce fantaisie, prennent pour but de leurs tentatives une jeune femme, une reine dont la mort serait sans doute un malheur, mais n’altérerait en rien les conditions du pays. Pauvre nature humaine !

Rien ne transpire encore des négociations de l’Angleterre avec l’Amérique. Les questions à régler sont difficiles et nombreuses. Il ne faut pas s’étonner que les négociateurs ne tombent pas d’accord dans les premières conférences. Heureusement la paix est également nécessaire aux deux états ; heureusement encore les concessions réciproques sont d’autant plus faciles que, s’il est des points sur lesquels le droit des États-Unis est évident, il en est