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esprits une influence salutaire ; et que des hommes sur l’appui desquels le pouvoir a le droit de compter ne voudront pas lui susciter, dans leur intérêt personnel, des difficultés inextricables. Quant à nous, nos vœux seront pour celui des candidats, quel qu’il soit, dont la nomination servira d’une manière efficace à élargir et à consolider la majorité. Encore une fois, la nuance de la majorité n’est pas d’un intérêt capital à nos yeux : ce qui importe, c’est qu’une majorité large et compacte puisse enfin se constituer, c’est que le gouvernement soit possible, c’est que nous cessions de tourner dans un cercle sans issue, c’est que les pouvoirs de l’état puissent appliquer leur temps et leurs forces aux affaires du pays.

Le malheureux traité du 15 juillet est toujours une cause d’agitation en Syrie, et d’embarras à Constantinople. Le divan persiste, avec la ruse opiniâtre des Ottomans, dans ses projets de domination absolue sur un pays dont la population, par ses croyances et ses habitudes, touche intimement à la civilisation européenne. C’est en l’an de grace 1842, c’est après le combat de Navarin et la création du royaume de Grèce, que la Porte imagine de courber sous le joug de la barbarie turque les peuplades chrétiennes de la Syrie ; c’est lorsqu’elle se meurt de vétusté et d’impuissance, qu’elle prétend fouler aux pieds des coutumes qu’avaient respectées les plus redoutables sultans ! Sanglante satire du traité du 15 juillet ; qu’on le juge par les fruits qu’il porte !

L’Angleterre s’irrite de la logique musulmane. Elle ne veut pas que le divan tire les conséquences des prémisses que lord Palmerston a posées. Quant à la France, en unissant ses efforts aux efforts de l’Angleterre pour arracher au sabre turc des peuples chrétiens, qui n’ont jamais invoqué inutilement sa protection, elle n’a pas d’inconséquence à redouter. Étrangère au traité du 15 juillet, elle n’a pas excité l’orgueilleuse cupidité du divan. Il importe à notre honneur national et à l’honneur de la civilisation de ne pas faiblir dans cette négociation. Si le canon de quelques frégates a suffi pour anéantir en Syrie la puissance de Méhémet-Ali, il suffirait au besoin de montrer une amorce pour ramener les Turcs à la raison.

Il sera curieux d’étudier un jour le rôle que joue la Russie dans ces démêlés. Ce n’est plus sur ce fidèle allié que peut compter aujourd’hui l’Angleterre. Le but de la Russie est atteint ; elle a brisé l’alliance de l’Angleterre avec la France ; elle a presque brouillé les deux pays. C’est là ce qu’elle voulait. Il lui convient maintenant de reprendre en Orient son rôle à part, de susciter et de laisser naître d’autres difficultés.

L’Angleterre n’ignore pas les dispositions et les démarches de la Russie. Elle sait que c’est là son véritable adversaire, son futur et redoutable ennemi en Orient ; mais elle n’ose pas dans ce moment montrer toute son humeur, faire éclater toute son indignation : elle dissimule ses griefs, elle accepte avec une touchante bonhomie les explications de la Russie. Dans l’Afghanistan, en Perse, en Chine, à Constantinople, la Russie a toujours été d’une adorable simplicité, d’une bonne foi parfaite ; l’enfant qui vient de naître n’est pas plus