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avait débuté par le scandale, et, la postérité, qui se soucie assez peu de réhabiliter les gens, ayant joint ses dédains à tant de revers, il s’ensuivit que le descendant des Mayeul et des Amé, venu au monde pour être général d’armée, duc et pair et cordon bleu, avait échangé ces belles espérances contre le plus triste personnage qu’il soit possible de jouer ici-bas, celui de bel-esprit ignoré.

Le hasard eut un premier tort envers lui ; ce fut de le faire naître en Bourgogne. Avec le caractère dont il apportait le germe, il appartenait incontestablement à la Guyenne. Il n’eût certes pas démenti cette origine, et elle l’aurait servi comme elle en a servi tant d’autres qui valaient moins. En tout cas, il n’aurait pas eu la peine de créer une qualification pour les saillies brusques et hautaines de son humeur fanfaronne, et de les appeler, comme il fit, des rabutinades ; le mot générique de gasconnades aurait suffi. Il naquit donc le 3 ou le 13 avril 1618, à Épiry, dans une terre qui cessa bientôt d’appartenir à sa famille. Cette famille était sans contredit une des plus anciennes, et alliée aux plus illustres de la province. Elle se divisait alors en deux branches principales qui se rejoignaient, chacune par trois générations, à un ancêtre commun, Christophe, baron de Sully et de Bourbilly, gouverneur, en son temps, de Semur ; celui dont le comte vit plus tard le portrait bizarrement habillé de ses armes, Roger, dont nous parlons, descendait de la cadette. Au même rang dans l’aînée figurait Celse Benigne, baron de Chantal, lequel mourut en 1627, et fut père de Marie, depuis marquise de Sévigné ; cette dame était donc sa parente au septième degré. Le père de notre Roger s’appelait Léonor, baron de Bussy, Épiry et autres lieux ; il servait le roi Louis XIII dans ses armées et devint (1627) mestre-de-camp d’un régiment d’infanterie. Il avait déjà, il lui vint encore d’autres enfans ; mais Roger finit par rester son seul fils. Élevé d’abord par les jésuites d’Autun, puis à Paris au collége de Clermont, il poussa ses études jusqu’à la logique inclusivement, et les interrompit, âgé de seize ans, pour aller commander (1634) une compagnie dans le régiment de son père. Émancipé par une première campagne, le jeune capitaine continua de servir en Lorraine, en Franche-Comté, en Picardie, en Flandre, et, au bout de quatre ans, ce qui lui en donnait vingt, son père obtint la permission de lui céder son régiment. Il fit donc, comme mestre-de-camp, les campagnes de 1638, 1639, 1640 ; il était à la déroute de Thionville et à la prise d’Arras, où il semble qu’il se comporta en bon officier, mêlant d’ailleurs aux devoirs de guerre la distraction convenable des aventures