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PORTRAITS HISTORIQUES.

BUSSY-RABUTIN.

Si les hommes qui manquent d’esprit n’étaient pas heureusement dispensés de le savoir et de s’en plaindre, s’ils n’avaient pas d’ailleurs assez d’amples dédommagemens, s’il fallait encore, pour les consoler, leur montrer quelque exemple éclatant d’infortune parmi ceux que le ciel semble avoir, sous ce rapport, mieux partagés, le nom du comte de Bussy-Rabutin servirait merveilleusement à cet usage. Gentilhomme et courtisan, ce fut par la vivacité naturelle de son intelligence, par le talent acquis d’écrire et de parler, qu’il perdit tous les avantages de sa position, et les gens de lettres peuvent le compter véritablement au nombre de leurs martyrs. Né comme il était, et avec les commencemens qu’on lui avait vus, s’il se fût trouvé moins habile et moins prompt à exprimer en termes choisis une pensée ingénieuse, il eût été, sans aucun doute, maréchal de France, peut-être même, la fortune aidant, un grand capitaine ; il figurerait dans les anecdotes militaires, vraies ou non, du règne de Louis XIV, et il aurait son portrait, tant bien que mal peint, à Versailles. Au lieu de cela, pour avoir eu la démangeaison, la manie, ou, ce qui revient au même, le don de médire plaisamment, sa carrière de soldat, son avancement de cour, s’arrêtèrent à la Bastille ; un long repos dans l’exil acheva par le ridicule une réputation qui