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mesures ni demi-succès ; il faut que la société capitule, se mette à leur discrétion. Hors de là, il n’y a de place que pour des discussions oiseuses.

Quoiqu’il soit possible de rattacher les sectes communistes aux diverses sectes sociales et religieuses qui se sont dispersées, il y a quelques années, dans les voies du doute et du découragement, ce n’est guère qu’après la dernière défaite des insurgés politiques, au 12 mai 1839, qu’on trouve le communisme à l’état d’organisation, même informe. La révolte armée était vaincue ; la révolte théorique lui succéda. Déjà, à Lyon, une sorte d’association communiste s’était fondée sur les ruines du mutuellisme ; mais, conduite avec modération, elle avait limité sa tâche à des œuvres de secours et de bienfaisance. Rien ne prouve que ce cercle d’action ait été franchi. À Paris, on garda moins de mesure, on eut plus d’ambition. Aux débris des sociétés secrètes s’unirent les hommes qui depuis long-temps se promenaient d’utopie en utopie. Robert Owen était venu à Paris, et, dans une courte apparition, y avait formé quelques disciples. Des feuilles paraissant tous les mois, et ne coûtant que trois ou quatre francs par an, se posèrent comme les organes des doctrines communistes. À Lyon, le Travail ; à Paris, la Fraternité et le Populaire, prirent formellement cette couleur. Le Communitaire et l’Humanitaire se firent aussi connaître, l’un par un prospectus, l’autre par quelques numéros qui ont servi de base à une instruction judiciaire. Divers procès, soit en police correctionnelle, soit devant une juridiction plus élevée, portèrent bientôt à la connaissance du public les premiers résultats de ces divers efforts. Évidemment il n’y avait rien dans tout cela de bien redoutable : le ridicule de ces tentatives excluait l’idée d’un danger ; elles ne pouvaient faire naître que des frayeurs intéressées. On se souvient de cet incident d’un procès communiste où le rédacteur en chef d’une feuille incriminée déclara avec naïveté qu’il ne savait ni lire ni écrire. À ce sujet, un homme qui prétend à quelque gravité, M. Pierre Leroux, a pris la peine de rappeler que les Montmorency en étaient, il y a deux siècles, au même degré d’instruction élémentaire, et que le groupe des premiers apôtres se composait de plébéiens ignorans. Il est glorieux sans doute de ressembler à la fois aux premiers barons de la chrétienté et aux propagateurs de l’Évangile ; mais s’ensuit-il que le gouvernement du monde doive désormais appartenir aux illettrés ?

À tout prendre, ces communistes sans culture ne déparent pas complètement la partie de ces sectes qui a une teinture de l’alphabet