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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

vées, nous surprenons le secret de la vie familière, et la mystérieuse Égypte va être, à quelques égards, l’un des pays les mieux connus.

On est effrayé de voir l’immense quantité de notes et de dessins que Champollion rapporta de son voyage. Ces travaux excessifs avaient porté à sa santé une atteinte fatale. En 1831, on créa pour lui, au Collége de France, une chaire d’archéologie. Il donna une première leçon, mais, malgré son zèle, il dut renoncer à professer ; son état maladif ne le lui permettait pas. Il se retira l’automne à Figeac et s’occupa avec ardeur de sa grammaire égyptienne. Il eut une attaque d’apoplexie au mois de décembre ; il sentit que le temps pressait, et, dans un court répit que lui laissa sa maladie, il acheva de mettre en ordre sa grammaire. Après s’être assuré qu’il n’y manquait rien, il la remit à son frère en lui disant : « Serrez-la soigneusement, j’espère qu’elle sera ma carte de visite à la postérité. » Ses amis se faisaient encore illusion ; mais il ne s’abusait pas comme eux, et, le 4 mars 1832, il succomba à une troisième attaque d’apoplexie.

La mort le surprit quand il se préparait à réaliser le rêve de sa jeunesse, et à écrire, d’après les documens qu’il avait recueillis, une histoire complète de l’Égypte. L’ordre qu’il avait laissé dans ses notes et ses dessins fit que du moins ils ne furent pas perdus. On les recueillit, et le gouvernement les publie sous le titre de Monumens d’Égypte et de Nubie. Il publiera bientôt aussi d’autres dessins laissés par un homme qui vient d’être, comme Champollion, martyr de son dévouement aux études égyptiennes ; je veux parler de Nestor L’hôte, un des artistes qui accompagnèrent Champollion dans son voyage. Champollion n’avait pu, malgré son activité, faire dessiner tout ce qu’offraient d’intéressant tant de vastes ruines. Déjà frappé de la maladie dont il est mort, il avait dû négliger tout ce qui se trouve encore au-dessous de Thèbes. Nestor L’hôte fut chargé en 1838, par M. de Salvandy, de relever les bas-reliefs qui avaient été négligés. Afin d’aller plus vite, il se bornait à prendre des empreintes d’une partie de leur surface et ne dessinait que le reste. À son retour, un accident de mer lui fit perdre toutes ses empreintes. Les dessins ne pouvaient plus, sans ces empreintes, lui être d’aucun usage. Il avait fait un voyage presque inutile. Ce malheur ne le découragea point ; il sollicita comme une grace de M. Villemain une troisième mission en Égypte, l’obtint, et rapporta en France de précieux portefeuilles. On doit surtout à Nestor L’hôte un travail des plus intéressans. Plusieurs monumens de Thèbes qui remontent à près de quatre mille ans sont construits avec des débris d’édifices plus anciens, et ces