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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

en France qu’on a su en tirer parti et qu’on a trouvé la clé des hiéroglyphes. C’est là, au jugement de Sylvestre de Sacy, le plus grand service qui ait été rendu à l’histoire depuis la renaissance des lettres, et Niebuhr appelle la découverte de Champollion la plus belle découverte historique des temps modernes.

Jean-François Champollion naquit à Figeac le 28 décembre 1791. À l’âge où il devait commencer ses études, il n’existait plus d’enseignement public en France. Son père y suppléa avec le secours d’un digne ecclésiastique, que la révolution avait arraché à son ministère. Le jeune enfant fut si bien dirigé, que, lorsqu’il vint, à neuf ans, rejoindre son frère aîné à Grenoble, Homère et Virgile lui étaient déjà familiers. Fourier, alors préfet de l’Isère, l’accueillit très bien ; il était un des savans les plus distingués de la commission d’Égypte, parlait avec enthousiasme des merveilles qu’il avait vues sur les bords du Nil, et ces entretiens eurent sans doute une influence décisive sur Champollion. Dès que Champollion se sentit entraîné vers les études égyptiennes, il comprit la nécessité de connaître les langues et les écritures de l’Orient, et il vint en 1807 à Paris pour y apprendre le copte. Un instinct juste le guidait en cela. Les hiéroglyphes eussent-ils été entièrement symboliques, ils auraient cependant toujours figuré les idées dans l’ordre où la langue les exprimait et il aurait fallu la connaître pour les lire. Or, le copte, qui nous est conservé, dans la traduction de la Bible, était la langue parlée en Égypte, quand ce pays fut converti au christianisme. Sans doute, depuis les premiers Pharaons jusqu’alors, à travers une aussi longue suite de siècles, elle subit plusieurs changemens ; mais la permanence de toutes les institutions égyptiennes peut faire soupçonner que la langue aussi varia moins en Égypte qu’ailleurs. Dans tous les cas, l’hypothèse d’une langue sacrée qui aurait été essentiellement différente de la langue vulgaire, sur laquelle, par conséquent, le copte ne donnerait point de lumières, est sans aucun fondement.

À dix-neuf ans, Champollion fut nommé professeur-adjoint d’histoire à la faculté de Grenoble. Il retrouva encore Fourier ; il fut, grace à lui, exempté de la conscription et put profiter des matériaux que le préfet de l’Isère avait réunis pour le grand ouvrage sur l’Égypte. Quand une idée doit faire notre vie, elle brille un instant à nos yeux de tout son éclat pour nous maîtriser ; elle nous révèle toute sa beauté et se promet à nous. Ce n’est là peut-être qu’un rêve fugitif ; mais son souvenir allume l’enthousiasme nécessaire pour une grande œuvre, et, dans la joie que laissent à l’homme ces fiançailles avec sa