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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

losses de soixante-cinq pieds, images de Sésostris, décorent l’entrée. Dans l’intérieur, les statues colossales, les piliers cariatides, les bas-reliefs, tout répond à cette majesté.

M. Gau pense que la Nubie est le berceau du style égyptien. On a quelque temps cru que l’Égypte avait reçu de l’Inde son architecture ; mais l’architecture a, dans les deux pays, un caractère tout opposé. Dans l’un, elle est simple, grandiose, sévère et massive ; dans l’autre, elle offre une profusion de détails, un goût surchargé, une mignardise de découpures qui donne de la petitesse même à des édifices assez vastes. En Égypte, l’ensemble frappe toujours par son unité ; dans l’Inde, il disparaît sous la multiplicité et le fantasque désordre de mille ornemens qui dérobent les formes essentielles et brisent capricieusement les grandes lignes. On a comparé les pagodes aux pyramides : les tours si ouvragées des temples indiens ressembleraient bien plutôt aux clochers de nos cathédrales. Les excavations de Salsette, d’Éléphanta, d’Ellora, rappellent à certains égards celles de la Nubie ; mais des excavations se ressemblent partout nécessairement, et le style des sculptures, la seule chose qui puisse les bien distinguer, n’offre pas la moindre analogie dans l’Inde et en Nubie. Chose remarquable, le peuple hindou, qui du reste a des conceptions si démesurément vastes, est mesquin dans son architecture, et semble n’avoir, dans cet art, rien gardé de sa riche imagination qu’un luxe exagéré de détails, style tourmenté qui ne saurait être très antique, ou qui certainement du moins n’est pas primitif. L’on s’est fait beaucoup d’illusions sur les monumens de l’Inde ; les plus grands ont des dimensions peu considérables, et ils sont loin de mériter l’enthousiasme qu’on leur a prématurément voué. L’Inde, si poétique, n’a guère eu le génie de l’architecture. L’Égypte, si admirable dans ses monumens, n’a point eu de poésie. Les deux peuples, loin de se continuer l’un l’autre, présentent ici, comme en d’autres points, le plus parfait contraste.

M. Gau s’arrêta à la seconde cataracte. Plus loin commence l’île de Méroë. Elle n’avait pas encore été visitée avec soin. M. Cailliaud entreprit de le faire. Il revenait de l’oasis de Thèbes quand il apprit que le pacha préparait une expédition pour la Haute-Nubie. Le désir de voir la fameuse Méroë s’empara de lui ; il quitta tout pour se rendre au Caire, obtint de Méhémet la faveur d’accompagner son fils Ismal, et vainquit tous les obstacles que lui suscita la jalousie de quelques Européens attachés aussi à l’expédition. Il dépassa de plus de cent lieues Méroë et s’avança jusque vers le dixième degré.