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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

courber ou de se traîner à plat ventre. La galerie d’entrée descend à des salles, à des couloirs, à des corridors, où l’on a creusé des puits pour y déposer les momies. La température est très élevée dans les hypogées ; l’odeur du bitume suffoque. Des dangers réels s’ajoutent encore à toutes ces impressions. La poussière des momies s’allumerait en un vaste incendie à la moindre étincelle, et les chauves-souris peuvent éteindre les flambeaux. Cet accident arriva un jour à deux officiers français que leur curiosité avait entraînés à ces merveilleux tombeaux : ils se trouvaient au fond d’un tortueux hypogée quand leurs torches s’éteignirent. Ce ne fut que par une sorte de miracle qu’ils réussirent à retrouver l’issue, et, qu’ils échappèrent à une lente et horrible agonie.

On voit qu’il a fallu aux savans de la commission, pour explorer ces grottes, autant de courage que de persévérance ; mais il valait bien la peine d’en montrer. Ces hypogées, où règne une nuit profonde, ont pourtant leurs parois entièrement couvertes d’hiéroglyphes et de bas-reliefs sculptés et peints avec autant de soin que s’ils ornaient les murs des temples et des palais. Un fait curieux révèle l’attention que l’on a apportée à ce travail. Le calcaire des hypogées est souvent mêlé de silex ou de pétrifications qui auraient fait obstacle au ciseau : on les a enlevés, et on a rempli le creux de pierres si bien ajustées, qu’on découvre le joint à grand’peine. Ces bas-reliefs sont des plus intéressans. On y voit, outre les cérémonies funèbres, les représentations les plus variées de toute la vie égyptienne, des scènes religieuses et guerrières, les fonctions des castes, les jeux, les festins, les danses, les travaux de la campagne, semailles, moissons, vendanges, les arts et métiers, la chasse, la pêche, la navigation fluviale. On a figuré des meubles de toute espèce, le plus souvent d’une exquise élégance, des vases surtout du galbe le plus beau, des instrumens de musique, harpes, flûtes, sistres. C’est le portrait de l’Égypte, le tableau fidèle de ses mœurs et de sa civilisation. On ne s’attendrait guère à ne le trouver que dans ces tombeaux ; mais c’est une grande pensée de les avoir choisis pour y représenter la vie comme s’ils étaient le lieu le plus propre pour méditer sur elle. Tous les hypogées n’offrent pas, du reste, le même luxe. La grandeur et la richesse de la décoration varient beaucoup ; les plus simples sont creusés au haut du rocher. Après leur mort encore les pauvres étaient relégués au dernier étage.

Toutes ces grottes ont été également violées. Les Arabes, grands chercheurs de trésors, les ont fouillées en tous sens. On voit même