culières des individus ou des nations, et l’ancienne tragédie profitait de ces résultats confondus de la contemplation philosophique et des souvenirs de l’histoire.
Outre cette trilogie pélasgique, Eschyle fit aussi une trilogie égyptienne. La première partie s’appelait les Égyptiens ; c’est, sous d’autres noms, l’histoire même de Typhon et d’Osiris ; Egyptus, venant de l’Arabie, détrône son frère Danaüs ; le génie du mal précipite le favori du ciel dans un abîme de malheurs. L’excès de ces malheurs fait le sujet de la seconde partie, les Suppliantes. Exilées de leur pays, les Danaïdes demandent à la terre étrangère un asile qui leur est à peine accordé ; c’est une suite de lamentations et de prières ; le chœur de ces jeunes filles chassées de l’Eden de la patrie représente très bien l’humanité déchue. Enfin, la troisième partie avait pour titre les Danaïdes, et pour sujet leur délivrance. Poursuivies jusque dans leur exil par les enfans d’Égyptus, qui voulaient les épouser, c’est-à-dire par la race de Typhon, le mauvais génie qui voulait les posséder à jamais, elles les égorgèrent la nuit ; Hypermnestre seule épargna Lyncée, parce qu’il avait respecté sa virginité.
La trilogie thébaine, qu’on pourrait bien appeler phénicienne, se composait de Laïus, Œdipe, et les Sept chefs devant Thèbes. Les vicissitudes de cette ville sacrée en font le sujet : les traditions sacerdotales devaient naturellement la montrer heureuse et florissante sous la domination des Orientaux ; mais lorsque la race hellénique s’en empara et se permit d’expliquer les hiéroglyphes du sphinx, et de modifier l’autorité religieuse, ce fut une calamité, une ruine pour la ville ; voilà l’idée de la première partie : Laïus tué par Œdipe, l’ancien régime par le nouveau. La seconde partie, c’est ce nouveau régime. Des violences, des tyrannies, des incestes, des suicides, des parricides, la peste, des oracles effrayans, tout ce que la colère des dieux envoie de plus terrible aux hommes coupables, voilà le résumé du sujet d’Œdipe, histoire d’expiation et de fatalité vengeresse s’il en fut jamais. Dans les Sept chefs devant Thèbes, la cité sainte est délivrée ; les dieux ont pris sa défense ; la foudre a écrasé l’ennemi sur ses remparts ; les enfans d’Œdipe se sont tués l’un l’autre, et Tirésias, c’est-à-dire le sacerdoce, est replacé dans sa gloire.
Enfin la trilogie argienne nous est restée tout entière ; elle se compose de : Agamemnon, les Coéphores, les Euménides. Ici les trois termes de la religion mystique sont appliqués à la famille des Pélopides. Le premier, c’est la chute du roi des rois, du vainqueur des Troyens, immolé par la perfidie d’une femme. Le second, c’est