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PHILOSOPHIE DU DRAME GREC.

participé, n’aura jamais un pareil sort ; il est perdu dans d’affreuses ténèbres. » — « Heureux ; s’écrie Pindare à son tour, heureux celui qui descend sous la terre après avoir vu ces choses ! car il connaît la fin de la vie, et il connaît le royaume donné par Jupiter. » « Cérès, dit Isocrate, nous a enseigné les mystères qui nous donnent l’espérance d’obtenir, après cette vie, le bonheur d’une vie qui ne finira jamais. » Il n’y a pas jusqu’aux moqueries et aux allusions irrévérencieuses d’Aristophane qui ne constatent l’opinion générale qu’on avait des mystères : « Silence, et qu’il s’éloigne d’ici, celui qui n’est pas préparé par la sagesse, celui qui n’a pas le cœur pur, celui qui se plaît aux paroles bouffonnes, celui qui ne s’oppose pas aux dissensions funestes, qui n’est point bienveillant envers ses concitoyens, qui, au contraire, les excite et les pousse dans son propre intérêt ; celui qui place la tête de l’état dans des temps difficiles, se laisse corrompre par des présens, etc. ! » Le poète continue cette énumération en la remplissant de traits satiriques contre ceux qui avaient malversé dans le gouvernement, et s’étaient placés ainsi au rang des excommuniés. Et ce morceau finit aussi par une promesse de la vie future : « Allons dans ces prairies pleines de roses, jouant nos jeux ordinaires, nos jeux et nos danses ravissantes, sous la conduite des parques bienheureuses. À nous seuls sourient le soleil et la lumière, à nous qui sommes initiés, et qui nous sommes conduits pieusement envers les étrangers et les citoyens. » Cicéron dit aussi ces paroles religieuses : « Les initiations ne nous ont pas appris seulement à nous rendre heureux dans cette vie, mais encore à mourir avec une meilleure espérance. » Et Plutarque : « Il est heureux, ô mon ami ! d’être initié aux mystères d’Éleusis, car la condition de mystes sera la meilleure parmi les mânes[1]. »

Qu’on nous dise, après avoir lu ces passages, si des mystères que l’on considérait comme une source de bonnes actions et un gage de salut dans une autre vie, ne contenaient pas une doctrine pratique, un enseignement moral ! Au reste, il y a mieux que des textes pour déterminer ce caractère, il y a des faits, il y a des institutions qui parlent. L’hiérophante d’Éleusis se vouait au célibat comme nos prêtres catholiques : mortification des sens, sacrifice des instincts corporels aux fonctions de l’ame, de la chair à l’esprit. C’était par le jeûne et par la continence qu’il fallait se préparer à l’initiation : dogme

  1. La plupart de ces citations, et d’autres encore, sont recueillies et rapprochées dans le Jupiter d’Emmeric David, t. I, Introduction.