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PHILOSOPHIE DU DRAME GREC.

les dieux, et la tragédie parmi les hommes. Chez lui, les plus grandes scènes de l’Olympe sont presque toujours racontées avec un sourire ironique, et souvent le ridicule en est très clair et très expressif ; mais l’humanité est constamment noble, belle et religieuse : on sent qu’elle aspire à un ordre divin plus élevé que celui de la mythologie ; c’est dans sa lutte contre la destinée et dans son commerce avec la Providence que le poète nous montre la loi philosophique de l’existence humaine. Eh bien ! c’est précisément sur cette double idée que l’ancien drame s’est partagé en tragédie et en comédie. La comédie s’empara des personnages mythologiques, les dieux furent son lot ; depuis les premières satyres jusqu’aux dernières pièces d’Aristophane, elle les habilla de ridicule ; au contraire, la tragédie s’attacha à l’étude de l’homme, les dieux n’y parurent que très accessoirement, surtout après Eschyle. Cependant elle avait pour pensée fondamentale la religion, mais la religion se dégageant peu à peu des vaines légendes, et ne les employant que comme symbole d’idées, et parce qu’il était impossible de les extirper totalement des traditions reçues.

Ce que nous venons de dire de la comédie grecque est évident par tout ce que nous en savons, et par tout ce qui nous en reste. « À son origine, dit Schlegel, et entre les mains d’Épicharme le Dorien, la comédie grecque a surtout emprunté ses sujets à la mythologie. Elle ne paraît pas avoir entièrement renoncé à ce choix, même dans sa maturité, comme on le voit par des titres de plusieurs pièces perdues pour nous, soit d’Aristophane, soit de ses contemporains. Plus tard encore, et dans l’époque intermédiaire entre l’ancienne et la nouvelle comédie, elle revient aux traditions fabuleuses pour des motifs particuliers[1]. » « Si l’on s’en rapportait, dit Barthélemy, aux titres des pièces qui nous restent de ce temps, il serait difficile de concevoir l’idée qu’on se faisait alors de la comédie. Voici quelques-uns de ces titres : Prométhée, Triptolème, Bacchus, les Bacchantes, le Faux Hercule, les Noces d’Hébé, les Danaïdes, Niobé, Amphiaraüs…, etc. Ils traitèrent avec des couleurs différentes les mêmes sujets que les poètes tragiques. On pleurait à la Niobé d’Euripide, on riait à celle d’Aristophane, les dieux et les héros furent travestis, et le ridicule naquit du contraste de leur déguisement avec leur dignité : diverses pièces portèrent le nom de Bacchus et d’Hercule ; en parodiant leur caractère, on se permettait d’exposer à la risée de la populace l’excessive poltronnerie du premier

  1. A. W. Schlegel, Cours de littérature dramatique.