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LE ROMAN ANGLAIS.

tique dont j’ai parlé, ses romans, comme la plupart de ceux que produit la presse anglaise, se renferment dans des bornes tellement étroites, ou, pour parler comme on parle aujourd’hui, dans des spécialités si complètement britanniques, dans la peinture de mœurs si exclusives et de caractères si profondément inconnus au reste du monde, qu’il serait impossible de les traduire. Je défie le plus intrépide translateur moderne de faire entendre au public français une demi-page de Peter Priggins, the College-Scout, ou des Pères et des Fils, par Théodore Hook. C’est écrit dans un incroyable jargon, dans ce jargon de classes et de subdivisions sociales que nos vieilles habitudes d’unité et d’élégance ne permettront jamais à nos concitoyens d’adopter. « Pardon, vieux couteau, dit un héros de Hook à son jeune camarade de classe ; j’oubliais que Jim disait que vous étiez hors de votre nourriture « (off your feed), et que vous aviez besoin d’un déluge. Allons, jetez votre trompe là-dedans et balayez-moi la classe comme l’éclair, et je parierai les longues fractions que vous serez en selle avant d’arriver à Bicester. » Que signifie cet argot ? Il faut avoir vécu à Oxford pour le savoir. « Vous n’avez pas d’appétit, dit-on, vous avez besoin de boire pour vous remettre en goût, buvez cela, etc. »

Peter Priggins, le livre où se trouvent ces belles choses, a dû un succès très marqué aux souvenirs de collége, si chers à la plupart des membres du parlement et des hommes distingués de l’Angleterre. C’est un tableau burlesque de la vie universitaire, racontée par un scout, espèce de surveillant subalterne, qui écrit ses mémoires dans le jargon, ou plutôt dans l’argot du pays. Cette gaieté locale ne manque ni de verve ni de malice. Fathers and Sons, le dernier roman du même auteur, se distingue par une idée vraiment comique, et dont l’originalité ressort ingénuement de notre civilisation et de notre époque. Des pères aussi vicieux que leurs fils s’entendent parfaitement bien avec ces derniers pour faire face aux accidens de la vie et aux mauvaises chances de la fortune. L’influence de l’exemple et la redoutable éducation de la famille, inoculant aux fils les vices des pères, en dépit des préceptes de morale que la paternité répète pour acquit de conscience, sont très habilement, et, ce qui est mieux, très vivement reproduites par le spirituel écrivain. Il est quelquefois dur, sec, de mauvais goût, trop exclusivement voué à ce langage convenu, à ce jargon de la haute, basse et moyenne société anglaise ; mais qui le comprend est sûr de ne pas s’ennuyer.

Le roman de Cooper, qui avait souvent placé sur l’Océan la scène