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LE ROMAN ANGLAIS.

Les œuvres de ces derniers sont très distinguées, surtout l’Anastase de Hope. On les lit comme on lirait un bon voyage, mêlé de drame, de mouvement, de dangers courus, de tableaux vivans et de descriptions neuves. Celui qui s’avisa le premier de détacher de l’arbre de Walter Scott ce rameau oriental, Thomas Hope, dépasse tous ses imitateurs par la richesse, l’originalité, la vivacité et l’énergie de la narration, que déparent quelquefois la tension du style et la recherche de la brièveté.

Un autre héritier de Walter Scott se présenta, peintre nouveau d’une nation nouvelle, orgueilleuse, et qui demandait un peintre. Fenimore Cooper, sans être dogmatique et convaincu comme Daniel De Foë, revint à cette exactitude rigide des vieux puritains, à cette manière analytique et détaillée, à cette excessive recherche d’une réalité pour ainsi dire inventoriée qui reproduit les faits et les accessoires avec la sécheresse indifférente d’un procès-verbal. Il est bien inférieur à l’auteur de Robinson, dont la naïve passion religieuse lui manque. La religion de Cooper n’est pas autre que l’américanisme. Dévot à la gloire de son pays, tout ce qu’il a écrit pour cette gloire est très remarquable ; le reste a peu de valeur. Ainsi on ne peut établir aucune comparaison entre ses deux derniers romans, les Deux Amiraux et le Tueur de daims, le premier dont la scène est en mer et en Angleterre, le second dont la scène est en Amérique ; l’un froid et ennuyeux, l’autre plein de vie et d’intérêt.

On voit, dans ces enfantemens perpétuels des esprits, avec quelle merveilleuse fécondité ils agissent les uns sur les autres, et comment s’opéra de proche en proche le démembrement du roman de Fielding, si vaste et si naïf. Je ne connais aucun fait historique plus intéressant et plus curieux que ce mouvement des passions dans les idées, que ces alliances, ces fusions et ces combinaisons des opinions humaines, des goûts et des tendances, apportant sans cesse de nouveaux produits. Le plus récent des imitateurs de Walter Scott, Ainsworth, qui donne naissance à un ou deux romans par trimestre, ne se contente pas de cette imitation pure. Il pousse à bout le détail circonstancié de Daniel De Foë, que Cooper avait, pour ainsi dire, pétrifié, et le transforme définitivement en une sorte de matérialisme romanesque ; enfin, par-dessus cette composition singulière, il répand à pleines mains la terreur violente de mistriss Radcliffe. Ainsworth mérite attention, quoiqu’il soit très peu louable ; il résume les dernières tendances de la Grande-Bretagne littéraire, et il en abuse violemment. Ses romans historiques, qui semblent faits de pierre et de