Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
REVUE DES DEUX MONDES.

de Gonzagues, « qui réunissait, dit-il, en elle, avec le sang de Gonzagues et de Clèves, celui des Paléologue, celui de Lorraine et celui de France, par tant de côtés, » croyait ne pouvoir élever plus haut la gloire des ancêtres de cette princesse qu’en faisant ressortir l’immensité de leurs aumônes. Le « duc son père, ajoute-t-il, avait fondé dans ses terres de quoi marier tous les ans soixante filles ; » et Anne de Gonzagues, digne elle-même d’un tel père, écrivait à celui qu’elle chargeait de répandre ses dons : « Je suis ravie que l’affaire de nos bonnes vieilles soit si avancée ; achevons vite, ôtons vitement cette bonne femme de l’étable où elle est et la mettons dans un de ces petits lits. » Et ailleurs : « Dieu me donnera peut-être de la santé pour aller servir cette paralytique ; au moins je le ferai par mes soins si les forces me manquent ; et, joignant mes maux aux siens, je les offrirai plus hardiment à Dieu. » Avais-je raison, messieurs, de m’écrier, le jour où je recevais l’insigne honneur de m’asseoir au milieu de cette illustre compagnie, que la France est le pays de l’aumône ! — Oui, la France de tous les temps, de toutes les époques, a été le pays de la bienfaisance, de la sympathie pour le malheur, de l’égalité devant Dieu avant d’être celui de l’égalité devant la loi ; puissent notre civilisation et nos lumières ne rien ôter, ajouter même aux qualités du cœur ! puissions-nous dans notre société nouvelle ne former qu’une seule et même famille, où le pauvre sans envie et le riche sans défiance remplissent chacun les devoirs que la Providence lui impose, et donnent l’exemple des mêmes vertus !


V. de Mars.