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REVUE. — CHRONIQUE.

certain, les intentions de M. de Monthyon, si elle ne s’était pas associée au sentiment public en proclamant ici les noms de ceux qui ont acquis le plus de droits à la reconnaissance de tant d’infortunés dans la catastrophe arrivée au chemin de fer de la rive gauche, le 8 mai dernier. Le premier qui ait attiré ses regards est celui de Piart, brigadier de gendarmerie à Meudon. Plusieurs fois, et au péril de ses jours, ce brave homme s’est précipité dans la fournaise, et il en a retiré trois victimes qui allaient succomber. Un tel dévouement, messieurs, se retrouve souvent dans ce corps d’élite, qui rend journellement au pays de si bons services. Mais le roi a, sur-le-champ, donné à Piart la récompense qu’il eût préférée à toutes les autres, la croix de la Légion-d’Honneur. L’Académie a donné trois médailles, la première à Thévenot, ouvrier typographe ; la seconde à Testefort, cocher de Mme la duchesse de Talleyrand, au courage, à l’intrépidité desquels plusieurs personnes ont déclaré qu’elles devaient d’avoir été arrachées à la mort ; la troisième au jeune Virieux, qui cheminait sur ce fatal convoi, en revenant de visiter son frère à Saint Cyr. M. de Virieux, échappé comme par miracle, s’élance au milieu du gouffre embrasé, il en sort avec une victime qui allait y périr, mais il en sort pour s’y plonger deux fois encore, et ne peut se séparer de tant de malheureux dont il espère toujours qu’il pourra sauver un de plus. Pourquoi ne rappellerions-nous pas ici, messieurs, les écrits d’une piété si douce et si éclairée, sortis de la plume de sa mère, et qu’elle dédiait, avec toute son existence, à l’éducation de ses enfans ? Pourquoi ne signalerions-nous pas, en passant, les fruits de l’éducation tout aussi bien que les dons de la nature ? Je terminerai en nommant le jeune Clarac, élève en pharmacie, qui, tout blessé qu’il était, s’est jeté au milieu du feu, et a sauvé un élève de l’École Polytechnique, appelé Guillot ; l’étudiant en médecine Labat et le jeune Deschaux, qui ont rivalisé tous deux de courage et de dévouement. J’éprouve le regret, je le déclare, que les bornes de ce discours ne me permettent pas de raconter avec plus de détail tant de traits qui honorent l’humanité. Tous les ans le gouvernement publie le compte-rendu au roi de la justice criminelle. À côté de ce tableau des crimes commis et des châtimens infligés qui glace d’une horreur et d’une épouvante peut-être salutaires l’ame du lecteur, je voudrais que l’on plaçât le tableau de ces vertus du pauvre, que nous devons à M. de Monthyon de pouvoir mettre en lumière. Je demanderais aussi que les vertus du riche ne fussent pas oubliées, et que le pauvre apprît ce qu’il ne sait pas assez : c’est que dans aucun pays du monde il n’existe autant que chez nous de sympathie, je dirais presque de fraternité entre les différentes classes de la société. Nulle part le riche ne vit plus rapproché du pauvre ; nulle part il ne se souvient autant qu’il est enfant du même Dieu, qu’il marche vers le même but, et que les bonnes actions ne sont pas seulement le chemin du ciel, mais la source des plus grands plaisirs qu’il nous soit donné de goûter sur la terre.

Bossuet, dans son oraison funèbre de la princesse Palatine, de cette Anne