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REVUE. — CHRONIQUE.

tère, les profondes études, et la poursuite, indéfinie des problèmes de l’existence humaine. En expliquant la question de la grace et du libre arbitre de manière à donner théoriquement raison sur ce point aux adversaires de Pascal, il ne fait que mieux attester leurs erreurs sur tout le reste, et la pureté comme le génie de leur puissant vainqueur. Sectaire des vertus de Port-Royal, mais juge indépendant des passions qui s’y mêlèrent, il décrit, il célèbre cet irréparable asile de la science et de la foi avec une chaleur d’enthousiasme, une vérité de talent, que je n’ai pas besoin de louer, quand tout à l’heure vous allez l’applaudir. Interprète habile de l’art profond et passionné qui règne dans les Provinciales, et qui en a fait les Philippiques de la conscience et de la raison, il ressuscite pour nous ces débats éteints, et leur rend la grandeur pleine d’anxiété qu’ils avaient pour les jésuites et pour Arnault lui-même. Moins fort et moins précis dans l’analyse de ce que Pascal n’a pas achevé, inexact, suivant nous, dans le parallèle qu’il établit entre le doute expérimental de Descartes et les agitations violentes de l’auteur des Pensées, injuste quand il suppose que le premier de ces deux grands hommes n’a pas été compris par l’autre, M. Demoulin (c’est le nom de l’auteur du no 13) n’en exprime pas moins avec force des considérations remarquables sur le grand ouvrage que poursuivait Pascal mourant, et sur les débris sublimes et mutilés qui nous en restent.

Il semble, toutefois, que ce spectacle mélancolique de ruine et de grandeur ait mieux inspiré, c’est-à-dire ait touché davantage l’auteur d’un autre discours inscrit sous le no 24, et ayant pour épigraphe quelques paroles de la sœur de Pascal. Ce choix même peut indiquer le caractère plus attendrissant et plus intime de ce second ouvrage. Il y a moins de science, moins de lecture, moins de force ; mais on sent une ame qui, émue d’un respectueux effroi devant celle de Pascal, a cherché, a souffert avec elle, et qui s’en approche par cette égalité d’une pure et humble douleur. Le jeune homme qui a écrit ces pages remplies d’une tristesse naturelle est M. Faugères, déjà couronné par l’Académie pour un travail sur Gerson. Il a fait plus cette fois ; il est entré dans cette étude du cœur où est la vie de la parole humaine. Peut-être s’est-il exagéré le doute qu’il déplore dans Pascal, et n’a-t-il pas assez vu le repos après le combat ; mais cette prévention même, naïvement sentie par lui, répand sur ses paroles plus de pathétique et d’éloquence. En voyant à quel point les Pensées de Pascal, ces fragmens de méditations épars entre quelques chapitres achevés, agitent une intelligence vive et généreuse, on regrette d’autant plus l’infidélité dont Pascal fut l’objet, et qui couvre encore un coin de son génie. On regrette que les panégyristes de ce grand homme n’aient pu connaître les recherches toutes récentes qui, dans le manuscrit original mutilé par de timides éditeurs, ont découvert de la main tremblante de Pascal mille traits primitifs d’une incomparable énergie, devant lesquels souvent pâlit et s’efface le texte vulgairement admiré jusqu’ici. Ce travail de restitution et d’exactitude qu’un penseur élo-