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qui, dans ses choix fort divers, n’est attentive qu’à un seul principe, l’encouragement des sérieuses études. À ce titre, une reproduction élégante de la belle histoire de Schiller, la Guerre de trente ans, une version moins ornée que savante du Timée de Platon, une traduction énergique et souvent très heureuse des tragédies d’Eschyle, ont, aux yeux de l’Académie, mérité des médailles qu’elle aurait voulu rendre plus riches, et que confirmera le suffrage public. Le nom étranger du traducteur de Schiller, le nom de Mme de Carlowitz, déjà lié à la gloire de Klopstock, mérite faveur par le talent qu’elle montre dans notre langue, adoptée par elle pour y transporter avec goût les beautés des langues du Nord.

Le traducteur du Timée, M. Martin, est un jeune et habile érudit, dont le zèle opiniâtre cherche les difficultés sur lesquelles ont hésité les maîtres, et qui réunit à la fois beaucoup de candeur et de sagacité. M. Pierron, déjà signalé dans un autre concours par un difficile essai sur la métaphysique d’Aristote, a prodigué, dans une lutte non moins pénible contre le poète Eschyle, un éclat naturel d’expression, une abondance de tours vifs et corrects, où l’Académie a dû reconnaître le talent d’un écrivain.

M. Bouchitté, M. Henri Martin, M. Pierron, appartiennent tous trois à l’enseignement public, je le dis avec orgueil : les ouvrages que nous venons de nommer sont la distraction qu’ils mêlent aux devoirs de leur laborieuse et noble profession ; et, dans ces ouvrages qui n’attestent pas moins l’élévation des sentimens que l’austère gravité des études, il nous est doux de voir et de montrer comment les professeurs de l’Université de France emploient leurs loisirs.

À côté de ces libres résultats d’une sérieuse étude, l’Académie se félicite d’avoir, par la proposition d’un sujet spécial d’histoire littéraire, excité d’utiles recherches, et donné naissance à deux bons écrits. Quelle a été sur la littérature française, au commencement du XVIIe siècle, l’influence de la littérature espagnole ? Telle était la question assez nouvelle que l’Académie avait indiquée, en y joignant même une question plus générale sur la manière dont notre littérature, à diverses époques, a profité du commerce des autres nations, sans perdre en rien son caractère original. La réponse a tardé quelque temps, et le prix a été d’abord ajourné. Pouvait-on, en effet, saisir la part d’influence que la littérature espagnole avait eue sur notre XVIIe siècle, sans étudier toute cette littérature dans son origine, dans ses progrès, dans l’histoire sociale et politique du peuple espagnol ? Pouvait-on montrer sur quel point le génie français a été temporairement modifié par un autre plus grave et moins exact peut-être, sans analyser avec soin les traits originels de notre littérature et les insurmontables différences qu’elle devait heureusement garder ? Pouvait-on, enfin, étudier ce vaste sujet, qui renferme à quelques égards l’histoire comparée de deux langues et de deux peuples, sans toucher à la théorie des arts, à ces questions du naturel et du goût, de la vérité vulgaire et de la vérité poétique, qu’on a si fort débattues de nos jours ? Érudition curieuse et juge-