Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
REVUE DES DEUX MONDES.

l’Académie fit choix des Considérations et des Récits de M. Thierry sur l’histoire de France, pour y attacher l’espèce de majorat littéraire dont l’investiture lui a été confiée par un généreux fondateur, elle pouvait s’attendre, comme le public, à la longue durée de cette première et si juste destination. L’ouvrage de M. Bazin sur l’époque de Louis XIII n’était pas non plus facile à remplacer dans le rang qu’il avait obtenu. D’ailleurs, messieurs, les deux écrivains ne se sont pas reposés sur leur succès. L’illustre auteur de la Conquéte de l’Angleterre, des Lettres sur les Communes et des Récits mérovingiens a continué les savantes esquisses qu’il avait publiées sous cette dernière forme, et, dans un nouveau fragment sur Fredegonde et Chilperik, il a retracé les mœurs barbares de la monarchie franke avec ce coloris éclatant et vigoureux que donne l’imagination échauffée par l’étude et par l’amour du vrai.

L’historien de Louis XIII a également poursuivi sa tâche encouragée par vous. Il a commencé le tableau de la minorité de Louis XIV, et, malgré la rivalité fort redoutable des mémoires contemporains, ne voyant dans ces mémoires que des plaidoyers qui rendaient d’autant plus nécessaire le jugement de l’histoire, il a su donner à ce jugement une impartialité non moins piquante et plus variée que la passion.

Il nous a donc semblé, messieurs, que les dotations académiques fondées par le baron Gobert demeuraient plus que jamais acquises au grand peintre d’histoire et à l’ingénieux écrivain qui les avaient méritées, il y a deux ans, par des travaux qu’aujourd’hui même ils viennent de fortifier et d’étendre.

À côté de ces prix maintenus si justement, le choix de l’Académie, pour l’ouvrage le plus utile aux mœurs, s’est partagé entre des écrits de forme très diverse, une Histoire de la ville de Jérusalem, un Livre d’éducation. L’Académie sans doute a jugé que les grandes traditions religieuses étaient la plus puissante leçon morale, et il lui a paru que l’histoire de cette Rome du monde oriental, toute pleine des monumens du christianisme, premier berceau de sa foi et but de ses croisades, offrait le sujet de méditation le plus instructif et le plus élevé. Des hommes de génie, de grands poètes ont, de nos jours, visité cette terre antique, pour y surprendre, à la source qui jaillit du Carmel, l’inspiration que Bossuet et Racine recevaient de la prière et des livres saints. La politique, le commerce, et même le prosélytisme de l’Europe tendent de plus en plus à se rapprocher de Jérusalem, et une grande place lui est réservée dans la future transformation de l’Orient. À ces points de vue divers, une description de Jérusalem, commencée en présence des lieux mêmes, continuée par l’étude, mêlant les recherches à l’émotion, devait intéresser notre temps. L’auteur fut le compagnon de voyage et l’ami de notre regretté collègue M. Michaud, et il a, comme lui, le don de sentir et de peindre. L’Académie partage inégalement le prix Monthyon entre l’historien de Jérusalem, M. Poujoulat, et une personne encore inconnue dans les lettres, qui a publié un livre sur l’éducation pratique des femmes.