Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
REVUE DES DEUX MONDES.

ont de plus noble et de plus vrai, et il est bien au-delà de la ligne où se tiendront pendant long-temps encore les légitimistes les plus modérés et les plus honnêtes. Ni le parti conservateur, ni le pouvoir n’ont d’ailleurs d’avances à leur faire : le temps, qui a déjà dissipé bien des illusions, en fera tomber d’autres encore, et le moment viendra où tout ce que le côté droit du pays compte d’éclairé et d’honorable donnera une adhésion franche et complète à un gouvernement qui se sera montré gardien impartial et fort de tous les intérêts et de tous les droits.

Dans les Vues sur les élections de 1842, M. de Romand a montré des intentions droites ; il désire le maintien de la paix européenne, l’union du pouvoir et de la liberté, il demande au parti conservateur d’imprimer à sa politique un caractère élevé. À tout cela nous n’avons rien à reprendre, mais nous eussions désiré que, par plus de travail et de réflexion, il eût rendu sa pensée plus précise, et en eût fait des applications plus positives. La langue politique ne se paie pas de lieux-communs, de formules vagues, de développemens emphatiques. Parce qu’on est, comme tout le monde, partisan de la paix, il n’est pas nécessaire de s’écrier : « Ô paix céleste, combien de temps encore seras-tu l’objet des sarcasmes des hommes, combien de temps seras-tu reniée et méconnue sur la terre !… » Et plus loin : « Non, la guerre, ce fléau de Dieu, n’a plus de mission providentielle à accomplir, son œuvre divine est achevée ; l’invention de l’imprimerie et de la vapeur fera marcher plus sûrement le monde à l’unité que les armées des Alexandre, des César, des Attila et des Napoléon. » Que le jeune écrivain soit bien convaincu que toutes ces déclamations creuses sont mortelles à l’effet qu’on veut produire. La raison s’exprime autrement. M. de Romand, dont cette brochure n’est déjà plus le début, écrivait plus simplement il y a deux ans. Le ton ambitieux qu’il prend aujourd’hui n’est pas un progrès.

L’extrême gauche a reconnu son manifeste dans l’Avis aux Contribuables de Timon. Il est remarquable que, dans une circonstance aussi solennelle qu’une élection générale, elle n’ait trouvé à soulever qu’une question financière. « Je ne parlerai, dit Timon, ni de la réforme électorale, ni de la réforme parlementaire, ni de la révision des lois de septembre, ni de la liberté du jury. » Pourquoi M. de Cormenin n’en parle-t-il pas ? Parce qu’il n’a pu se dissimuler à lui-même la disposition morale du pays. Les passions du démocrate sont vives chez Timon, mais l’esprit de l’homme est éclairé, et il a dû