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LES ÉLECTIONS.

position pour la politique étrangère. Ces situations intermédiaires ne permettent pas, nous le reconnaissons, d’avoir une action prompte et directe sur la marche des affaires ; néanmoins ceux qui les occupent avec talent peuvent encore y exercer une influence utile, et travailler pour l’avenir. À notre avis, le centre gauche n’a pas assez continué, en dehors des affaires, la politique qu’il avait intronisée au pouvoir ; il n’a pas assez professé, il n’a pas assez représenté ces idées de transaction qui n’ont pas cessé un instant d’être vraies et nécessaires ; il s’est trop confondu avec l’opposition. Or, pour que le centre gauche exerce une influence réelle sur la gauche, il ne faut pas qu’il dissimule les sympathies et les souvenirs qui le rattachent au parti conservateur. Autrement, en inclinant trop vers la gauche, il la confirme dans ses préjugés, dans ses erreurs, et il perd la plus grande partie de sa puissance morale.

Voilà, ce nous semble, ce qu’on eût pu dire au centre gauche au nom du parti conservateur. Nous n’avons pas été surpris, en arrivant au chapitre de l’opposition de gauche, de trouver chez l’auteur de la brochure une recrudescence de vivacité. Ce sont nos adversaires sérieux, s’écrie l’écrivain ; aussi se donne-t-il carrière dans l’assaut qu’il leur livre : « Nous avons vu à l’époque du 1er mars, dit-il, la gauche presque tout entière obéissante et docile jusqu’à la servilité, avide de faveurs jusqu’au cynisme, acceptant sans embarras les plus éclatantes contradictions. Elle a renoncé à ses veilles croyances sans parvenir à s’en former de nouvelles. Le ministérialisme sans débat, sans objection, sans examen, a été sa règle… » Et encore : « La gauche a senti qu’elle avait perdu le droit d’invoquer ses principes ; elle n’en parle plus, elle n’y croit plus. Elle marche au hasard par des chemins qu’elle ignore, résignée à tout, imprévoyante de tout, jetant par intervalles un regard terne vers le passé, et ne pouvant se dire à elle-même si elle le regrette, ou si elle a pour jamais rompu avec lui. » Nous aimons qu’on combatte ses adversaires avec ardeur et franchise, mais encore faut-il être juste. Les choses ne se sont pas passées comme les décrit l’écrivain. Tout un parti ne désarme pas pour complaire aux convenances d’un homme ou de quelques hommes ; il faut trouver à ses changemens des raisons plus générales et plus nobles. L’opposition de gauche n’a pas échappé à cette décomposition des partis, à cette transformation des idées dont nous avons le spectacle depuis six ans. Seulement, elle a mis son amour-propre à ne pas s’avouer à elle-même les modifications qu’elle subissait ; le