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LES ÉLECTIONS.

Quel intérêt le parti conservateur aurait-il à diminuer, par des divisions intestines, l’autorité de son vote et de ses actes sur une question si considérable ? Nous ne concevons pas comment l’écrivain qui se donne pour leur organe a pu voir dans l’affaire du droit de visite une occasion d’attaquer l’ancien président du 15 avril. M. Molé a fait connaître à la tribune de la chambre des pairs quelle avait été sa conduite lorsqu’il se trouvait à la tête du cabinet. Il n’a point autorisé notre ambassadeur à ouvrir le protocole avec les quatre puissances ; quand M. le comte Sébastiani lui transmit ce protocole, au bas duquel il avait mis sa signature, M. Molé ne répondit point : trois mois après il n’était plus aux affaires. Est-il bien difficile de se rendre compte de cette attitude ? M. Molé s’est abstenu, autant qu’il était en lui, de faire un pas de plus dans la voie où l’on se trouvait engagé : il n’autorise point l’ouverture du protocole, et, quand elle lui est annoncée, il garde le silence. On peut, sans être un grand diplomate, apprécier la mesure et la portée de cette conduite, qui, sans que personne eût à se plaindre, réservait l’avenir. Malheureusement nous vivons dans un pays où l’avenir, même le plus limité, n’appartient pas aux hommes d’état, et nous sommes possédés d’une manie d’instabilité qui les précipite au moment où ils allaient agir.

Croirait-on que, dans les explications fort simples données au Luxembourg par M. Molé, l’auteur de la Politique des Conservateurs voit quelque chose de coupable, et presque une manière de découvrir la royauté ? La couronne découverte par M. Molé, par l’homme d’état qui, pour les détourner du trône, a appelé sur sa tête les coups de tous les partis ! Ce reproche est si déraisonnable, qu’il ôte presque toute gravité à l’œuvre de l’écrivain.

D’ailleurs une aussi flagrante injustice à l’égard de M. Molé était tout-à-fait inutile à l’apologie du cabinet. Dans tout ce débat du droit de visite, les agressions réitérées de l’opposition ont fourni au ministère l’occasion naturelle de remonter à l’origine de la question et de faire à chacun sa part. Cette responsabilité dont on voulait l’accabler, il a pu la partager entre tous, en traçant l’ensemble des négociations auxquelles ont participé tous les ministères. Le poids de cette grande discussion a été porté par M. Guizot avec une puissance à laquelle même ses plus résolus adversaires n’ont pas refusé leur admiration. Nous n’aurons que la justice de l’historien en disant que, dans la session qui vient de finir, M. Guizot a trouvé dans son talent des ressources nouvelles. Comme orateur politique, il s’est élevé plus haut qu’il n’avait encore fait. Pour mieux se défendre, il a grandi.