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LETTRES DE CHINE.

par les étrangers avec tant de fierté, et cette détermination de sir Henri dut produire un bon effet.

Le 24 août, le capitaine Elliot et sir Gordon Bremer quittèrent définitivement la Chine pour retourner en Angleterre. Sir Gordon Bremer n’avait joué qu’un rôle très secondaire dans les évènemens de l’année 1840 et du commencement de 1841 ; mais, depuis sept ans, le capitaine Elliot était à la tête des affaires de l’Angleterre dans l’empire céleste. Il avait fait preuve d’un grand dévouement à la chose publique dans la conduite des affaires. On peut lui reprocher quelques fautes, mais on doit se rappeler qu’il a joué le rôle d’éclaireur pendant les dernières années de son séjour en Chine. Il a eu à démêler des questions d’une difficulté sans exemple, sans aucun élément de succès ; il a fallu qu’il cherchât sa route dans un pays inconnu et au milieu des plus épaisses ténèbres. Pendant le cours de sa mission active, les évènemens ont jeté quelque jour sur la question anglo-chinoise ; la politique du gouvernement impérial est un peu plus à découvert. Le capitaine Elliot doit être plaint d’avoir été le premier appelé sur ce champ de bataille. On peut lui appliquer sans hésiter le sic vos non vobis. Les évènemens qui ont signalé la fin de l’année 1841, ceux qui se préparent, nous diront si ses successeurs immédiats recueilleront le fruit de ses luttes pénibles, de ses angoisses de chaque jour, de sa réputation compromise, ou s’ils seront eux-mêmes destinés à jouer pour d’autres cette rude partie dans laquelle M. Elliot a tant perdu. Quant à moi, et j’espère n’être pas influencé, en le disant, par les sentimens d’amitié que je lui porte, je crois encore que l’avenir sera sa meilleure justification. Ceux qui lui ont succédé ou qui lui succéderont pourront mieux que qui que ce soit apprécier sa conduite.

Cependant la saison avançait ; on était à la fin d’août. Déjà depuis deux mois la mousson de sud-ouest soufflait sur la côte de Chine ; on n’avait plus devant soi que cinq à six semaines de vent favorable, puis la mousson du nord-est condamnerait de nouveau l’expédition anglaise à l’inaction. Aussi les préparatifs se faisaient-ils avec une incroyable rapidité ; les désastres des deux typhons du mois de juillet avaient été réparés, et le 21 août, c’est-à-dire onze jours seulement après l’arrivée du plénipotentiaire et de l’amiral, la deuxième expédition anglaise partit d’Hong-kong pour la côte de Chine. L’escadre se composait de deux vaisseaux de 74 canons, deux frégates de 44, quatre corvettes de 18, un brick de 10, quatre bateaux à vapeur armés, et douze transports sur lesquels prenaient passage environ quatre mille hommes de troupes de débarquement. Sept bricks, goëlettes ou corvettes restaient dans la rivière de Canton pour y protéger les sujets et les intérêts anglais, sous le commandement du capitaine Nyas, de la corvette the Herald. Sept à huit cents hommes de troupes environ formaient la garnison d’Hong-kong, d’où ils devaient se porter partout où il y aurait danger.

Peu de jours après le départ de l’expédition anglaise, la corvette française la Danaïde, commandée par M. Joseph de Rosamel, capitaine de corvette,