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REVUE. — CHRONIQUE.

situés au-delà du Rhin que lorsqu’elle aura planté ses tentes dans un grand état, lorsque les deux principes se trouveront en présence, à forces à peu près égales, au sein de la diète, lorsque la nouvelle religion politique pourra, elle aussi, exiger son traité de Westphalie.

Un autre fait remarquable vient de se passer à Cologne. Le roi de Prusse vient d’y prononcer un discours qui a dû sans doute, par la forme, étonner les lecteurs français, mais dont la pensée a dû fixer l’attention des hommes politiques. C’est le roi de Prusse lui-même, c’est un des chefs de la confédération germanique, qui, dans une circonstance solennelle, entouré de princes et de grands seigneurs allemands, développe à son aise le principe de l’unité allemande ; il le développe sans restrictions, con amore, avec enthousiasme, comme aurait pu le faire un étudiant de Iéna ou de Tubingue. Est-ce là un acte calculé ou bien une réminiscence inattendue, un souvenir mal contenu des entraînemens de 1814 ? Était-ce là le prélude d’un grand roi, prélude comparable à certains articles que Napoléon jetait dans le Moniteur, ou était-ce simplement un hymne de l’ancien ami des chefs de la Tugendbund ? Laissons à d’autres la solution de cette question et bornons-nous à une remarque toute d’humanité et de justice.

Il y a une jeunesse en Allemagne, une jeunesse studieuse, ardente, brave, et quelque peu chimérique dans ses projets et dans ses vœux. Elle vit dans les nuages jusqu’à l’âge d’homme, jusqu’à vingt-cinq ou trente ans. Alors seulement elle descend parmi les humbles mortels, elle s’accroupit sur le sol et ne bouge plus. Si demain de jeunes hommes sentaient de nouveau leur imagination s’échauffer à la pensée de l’unité allemande, si, dans l’emportement de leur âge, ils troublaient de nouveau le sommeil de l’aréopage siégeant à Francfort, la Prusse viendrait-elle prendre l’initiative de la sévérité à leur égard ? Viendrait-elle prêter aide et assistance à la police et à la justice fédérale ? Encore une fois ce n’est pas là une question politique, c’est une question de morale.

Les affaires de l’Orient en sont toujours au même point. La diplomatie ne peut vaincre la lenteur ottomane, et cette lenteur n’est le plus souvent qu’un moyen, un stratagème diplomatique. On parle d’un mezzo termine pour le gouvernement de la Syrie. Les Maronites seraient gouvernés par des émirs chrétiens, contrôlés par un commissaire turc. Mais quelle confiance peut-on ajouter à ces projets, lorsque la Porte change tous les jours d’avis, lorsqu’elle ne cherche évidemment que les moyens d’éluder les demandes des légations européennes ? L’exécution peut seule nous faire croire qu’un arrangement est définitif et sérieux. En attendant, l’automne avance, et les Orientaux ne conçoivent que le repos pendant la mauvaise saison. C’est donc une année de gagnée, et pour les diplomates et pour les Turcs. Qu’importe que ce soit une année perdue pour ceux qui souffrent ? Au printemps prochain recommenceront les troubles, les périls, et la diplomatie se mettra de nouveau en campagne tout essoufflée pour résoudre encore ce grand problème : comment pourrions-nous gagner une nouvelle année ? Elle y parviendra peut-être ; c’est