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REVUE. — CHRONIQUE.

sans avoir dans le pays la consistance du premier, n’était pas moins redoutable par son esprit, par son adresse, par la puissance de sa parole. Espartero se trouvait ainsi à la merci d’une coalition faite contre les siens, d’un parti qui n’était pas le parti de la contre-révolution, mais qui n’était pas non plus le parti de la régence telle qu’elle avait été décrétée. Cortina, l’homme le plus considérable de la coalition, était partisan de la triple régence ; c’était là l’opinion qu’il avait toujours professée. On comprend dès-lors combien la situation d’Espartero était devenue difficile et périlleuse. Aussi l’alarme fut grande dans le camp des esparteristes, espagnols et étrangers. On craignait que le régent ne se trouvât placé sans ressources entre la contre-révolution et les juntes. Toutes les espérances qu’on avait conçues paraissaient s’évanouir, tous les calculs se trouvaient déjoués ; on aurait voulu alors, mais un peu tard, suivre une voie plus directe et plus large. Mais la France n’éprouvait aucune inquiétude. Le gouvernement d’Espartero ayant fait jusqu’alors profession de repousser toute espèce d’influence française, même la plus inoffensive, la plus amicale, la France s’était en quelque sorte retirée de l’Espagne. Elle n’en attendait rien, elle n’en pouvait rien craindre. Elle demeurait dans la position de stricte neutralité qu’on lui avait faite, et qu’elle aurait alors abandonnée à tort. Elle ne devait pas se mêler, sollicitée ou non, des affaires et des intérêts d’Espartero et de ses amis.

Le danger ne fut pas, en définitive, aussi grave qu’il l’avait paru d’abord. La coalition, en Espagne aussi, ne sut pas, après avoir vaincu, profiter de la victoire. C’est que la coalition ne représentait pas une idée puissante, nationale, un de ces principes impérieux qui sont à la fois le ciment et l’aiguillon des partis. On voulait le pouvoir pour le pouvoir, et non comme moyen de fonder un système, de réaliser une pensée nouvelle. On a renversé le ministère Gonzalès ; on a affaibli moralement Espartero ; on a ainsi ôté à l’Espagne ce dont elle a le plus besoin, la force gouvernementale, et on s’est arrêté. Les embarras et les misères du pays restent les mêmes ; seulement le remède est encore plus difficile qu’il ne l’était.

Il est vrai en même temps que ces vicissitudes politiques ont dissipé plus d’un préjugé et fait ouvrir les yeux à plus d’une personne sur la situation de l’Espagne et sur ses relations internationales. On comprend aujourd’hui qu’on avait fait fausse route en s’éloignant de la France, dont on n’avait rien à craindre, et qui n’avait jamais cherché à transformer les rapports de bon voisinage en priviléges exclusifs, ni aspiré à une influence impérieuse et jalouse.

On dit que M. Olozaga, peu satisfait des résultats de ses mouvemens à Madrid, désire se rendre de nouveau à Paris. Avec quel caractère ? Quelle sera sa position tant que les relations entre les deux pays ne seront pas d’un commun accord rétablies sur l’ancien pied ? Il est vrai que le gouvernement espagnol pourrait, pour colorer le voyage de M. Olozaga, lui donner une mission temporaire, jusqu’à ce qu’il puisse reprendre le rôle d’ambassadeur et jouir chez nous de toutes les prérogatives qui y sont attachées.

Deux faits remarquables viennent de se passer en Prusse.