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ficile toute négociation de cette nature. Par les concessions gratuites qu’ils viennent de faire à l’Allemagne, s’ils n’ont pas violé le droit strict, ils ont du moins fait un acte qui a dû nous surprendre et qui doit être un avertissement pour le gouvernement français. Il est, parmi les Belges, des hommes qui voudraient, dans leur intérêt particulier, se tenir dans une sorte de bascule entre l’Allemagne et la France. C’est là, en effet, la politique ordinaire des hommes qui veulent passer pour habiles dans un petit état entouré de grandes puissances. Si nous sommes bien informés, la concession qu’on vient de faire à l’Allemagne serait due principalement à l’influence d’un homme politique qui, désirant une mission diplomatique et ne croyant pas pouvoir aspirer à l’ambassade de Paris, aurait voulu se préparer un bon accueil dans un poste considérable en Allemagne. Quoi qu’il en soit, ce fait prouve de plus en plus qu’une complète union commerciale est la seule convention qui puisse être aujourd’hui acceptée par la France. Cette association est-elle probable ? Nous sommes loin de le penser. Ce qui pourrait arriver, c’est qu’on nous offrît un traité qui porterait le nom d’union commerciale, et qui ne serait en réalité qu’une convention ordinaire. C’est là ce qui aurait lieu si les négociateurs établissaient de nombreuses exceptions au régime de l’association. On donnerait ainsi une grande apparence à un mince résultat ; mais l’illusion ne serait pas de longue durée, et la France saurait bientôt à quoi s’en tenir.

Avec l’Espagne, nos relations commerciales pourraient être actives, étendues, dans l’intérêt réel des deux pays. Malheureusement la situation politique de l’Espagne rend tout difficile ; l’Espagne se plaît à tout paralyser, à tout entraver chez elle ; chargée des dons de la Providence, elle manque du nécessaire, et son gouvernement ne vit que d’expédiens. Singulier pays ! il n’ignore point les admirables ressources dont il est doué ; il en est fier, il sait que dix années d’un gouvernement régulier et sensé suffiraient pour rendre à l’Espagne sa prospérité et pour la replacer parmi les nations au rang qui lui appartient. Il préfère néanmoins, sous l’influence de je ne sais quelles opinions d’emprunt, de je ne sais quelle agitation factice, demeurer en quelque sorte effacé de la liste des grandes puissances, voir ses provinces appauvries, ses colonies compromises, son crédit annihilé, sa flotte ne pouvant pas même se comparer à celle d’une puissance maritime de troisième ordre.

Le mouvement de septembre et l’avènement d’Espartero à la régence n’ont pas été, il est vrai, une cause d’agitation profonde et de troubles sanglans pour l’Espagne ; nais ils n’ont pas été non plus un moyen de force et de progrès. L’état de l’Espagne est de plus en plus déplorable. Après avoir réprimé d’une main ferme les troubles de la Catalogne et les excès des juntes révolutionnaires, Espartero s’est trouvé livré sans défense à un autre genre d’attaques ; la légalité a failli le tuer. Le cabinet d’Espartero, celui qui était l’expression vraie de la pensée et des sympathies du régent, le cabinet Gonzalès, a été renversé par une coalition à la tête de laquelle se trouvaient M. Cortina et M. Olozaga, l’ancien ambassadeur d’Espagne à Paris : M. Cortina, homme d’une grande énergie et d’une grande influence en Espagne ; M. Olozaga, qui,