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STATISTIQUE LITTÉRAIRE.

Vous regardiez les cieux, et votre voix plaintive
Murmurait de saints mots d’amour et de regrets ;
Et puis, vous écoutiez d’une oreille attentive
La brise de la mort caressant les cyprès.

Ou bien :

Laissez-moi m’égarer dans la funèbre enceinte
Où la vie écoulée et la douleur éteinte,
Du malheur d’exister consolent les vivans :
À travers ces cyprès souffle un triste zéphyre ;
Il effleure en passant les cordes de ma lyre,
Cette amante des monumens.

La poésie catholique intime tient le milieu entre l’acte de contrition et l’examen de conscience. L’auteur jette d’abord sur son passé un regard pénitent et se frappe la poitrine. Il raconte ses erreurs, ses doutes, et comment

Dans ses momens de crises
Il entre pour prier dans toutes les églises,

comment il goûte le bonheur des anges en déposant son ame et ses pensées sur un autel en chêne, comment, lorsqu’il souffre, il se console en songeant que Dieu se propose de ne point le laisser long-temps sur cette terre d’exil où il fait un si triste pèlerinage, quoique poète et néo-chrétien. — Suivent quelques tirades sur la foi des vieux jours, la dépravation du siècle, les pluies de soufre qui ne peuvent manquer de brûler Paris, cette ville impure, sœur de Babylone, — le prochain baptême de l’humanité dans le sang du Calvaire, et l’avènement de la spiritualité politique. Le prône rimé est des plus édifians : on dirait que le poète a charge d’ames. Par malheur, le juste pèche sept fois le jour, et l’esprit malin qui séduisit Ève et tenta saint Antoine, prend plaisir à taquiner le poète, qui n’a pas, comme les saints de la Thébaïde, le pouvoir d’exorciser le démon : car « il a reçu du ciel une de ces ames mystiques qui fondent aux regards d’une vierge étincelante de beauté comme la cire devant le soleil ; » et, en raison de cette ame fondante, il se laisse piper par tous les beaux yeux, il se laisse prendre à tous les sourires : de là, dans son cœur néo-chrétien, un double culte, une double adoration, l’adoration du créateur et de la créature, toutes les aspirations du mysticisme et tous les soulèvemens de l’amour terrestre ; de telle sorte que, dans une même pièce, dans une même page, un même barde se signe dévotement, dit son chapelet en entendant l’Angelus, et palpite de désirs en regardant l’étoile de Vénus qui se lève à l’horizon.

La poésie dogmatique n’a point de ces hardiesses, de ces hérésies, de ces péchés mortels. Ici la Muse a rompu avec le monde. Elle n’habite plus les hauteurs du Pinde, mais les dortoirs des petits séminaires. Elle a quitté la toge grecque pour la soutane. Elle porte rabat, elle est tonsurée. C’est du catéchisme en alexandrins. Les poètes séminaristes composent leurs stances sur l’eucharistie, l’ordre, l’extrême-onction, en un mot sur tous les sacre-