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LES MONARCHIENS DE LA CONSTITUANTE.

est sage d’attendre qu’une longue expérience en montre l’insuffisance. Mais lorsqu’une constitution, au lieu d’être la réunion d’anciens statuts, la fixation légale et solennelle des anciens usages, en établit complètement la proscription, il faut, pour donner à cette loi nouvelle un caractère permanent, que le consentement universel ait pu se manifester librement. Cette condition ne se trouve pas encore dans notre constitution, et remarquez dans quelles circonstances on vous propose d’imposer silence aux vœux et aux réclamations de la nation.

« C’est lorsque vous ne connaissez que l’opinion de ceux dont votre loi favorise les intérêts et les passions, lorsque toutes les opinions contraires sont subjuguées par la terreur ou par la force, lorsque la France ne s’est encore expliquée que par l’organe de ses clubs, car tout ce qui existe aujourd’hui de fonctionnaires publics est sorti de ces sociétés ou leur est asservi. Et qu’on ne dise pas que la constitution fondée sur ces principes immuables de la liberté, de la justice, doit avoir l’assentiment de tous les bons citoyens ; qu’importe la pureté de votre théorie, si le mode de gouvernement auquel elle est unie perpétue les désordres dont nous gémissons ? Avez-vous donc pris quelques mesures pour que ces sociétés tyranniques qui corrompent et subjuguent l’opinion, qui influent sur toutes les élections, qui dominent toutes les autorités, nous restituent la liberté et la paix qu’elles nous ont ravies ? Avez-vous pris quelques mesures pour que cette multitude d’hommes armés, dont la France est couverte, soit invinciblement contenue dans les limites que la loi lui prescrit ? Il me serait facile, en parcourant vos institutions, de vous montrer comment elles vont s’altérer et se corrompre, si, au lieu de les confier aux épouses et aux mères, vous ne vous hâtez de les soustraire à ce fanatisme bruyant qui les célèbre, pour les livrer à une raison sévère qui les corrige et qui puisse résister aux temps et commander aux évènemens.

« Tel est le danger de faire marcher de front une révolution violente et la fondation d’une constitution libre. L’une ne s’opère que dans le tumulte des passions ou des armes ; l’autre ne peut s’établir que par des transactions amiables entre les intérêts anciens et les intérêts nouveaux. Voyez tous les principes de morale et de liberté que vous avez posés recueillis avec des cris de joie et des sermens redoublés, mais violés avec une audace et une fureur inouies ! C’est au moment où, pour me servir des expressions usitées, la plus sainte, la plus libre des constitutions se proclame, que les attentats les plus horribles contre la liberté, la propriété, que dis-je ? contre l’huma-