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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

à combattre la concurrence que lui opposerait le commerce d’exportation des Russes et des Moldo-Valaques. Comme elle a sur tous les peuples danubiens l’avantage immense d’un contact immédiat avec la Méditerranée, il est probable qu’elle en profitera. En descendant vers ses petits ports méditerranéens, ce peuple de laboureurs se mettra en relations d’échanges avec les marins et les insulaires grecs, pour qui les produits bruts du Balkan seront un trésor toujours bien venu ; et, si quelque nation occidentale songe enfin à entrer en rapports avec les Bulgares, il en résultera, pour elle comme pour eux, une nouvelle source de prospérité.

Il faudrait toutefois éviter d’agir par l’intermédiaire des consuls. Dans tout l’Orient, nos consuls ne se préoccupent pas assez des populations indigènes, et trop souvent ils ne comprennent rien à ce qui se passe autour d’eux. Ignorant les langues gréco-slaves, ils ne possèdent au plus que la langue des Turcs, cette langue odieuse à tous les rayas. Mais, s’il est désavantageux de traiter commercialement avec les rayas par des agens consulaires, en qui le bon sens de ces peuples voit d’ordinaire des complices plus ou moins zélés de leurs oppresseurs, à plus forte raison se rendrait-on impopulaire à leurs yeux si l’on voulait négocier uniquement avec leurs pachas ou leurs princes. Les Anglais ont pu l’apprendre par expérience en 1838, lorsqu’ayant dû céder à la France le monopole des produits égyptiens, ces prétendus amis de la liberté commerciale se rabattirent sur le Danube, et vinrent en Serbie pour conclure avec Miloch un traité en vertu duquel il devenait le seul négociant de son pays. Qu’en résulta-t-il ? Une oppression plus forte pour la Serbie et un nouveau triomphe de la Russie chez les populations ainsi vendues. Maintenant que la France est repoussée d’Alexandrie, son intérêt l’invite, comme autrefois l’Angleterre, à chercher un dédommagement dans la péninsule gréco-slave. Plusieurs circonstances nous feraient croire qu’elle a porté son attention du côté de ces riches provinces, et que les immenses ressources de la Bulgarie sont appréciées par ceux qui s’intéressent à notre avenir commercial. Malheureusement nous sommes trop portés à juger l’Orient avec des idées françaises. Dans un rapport adressé à l’Institut par un de nos principaux économistes, le digne pobratim de Miloch, l’accapareur décrié Hussein de Vidin, n’est-il pas présenté comme « un partisan de la liberté du commerce, qui fait la guerre la plus originale et la plus spirituelle à nos tarifs ? » Si des tarifs et des douanes sont nécessaires