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LITTÉRATURE ANGLAISE.

sant, et le premier volume de cette publication qui vient de nous parvenir, publication consacrée à un amusant Gaulois du Ve siècle, coïncide avec une traduction de ce même ouvrage, traduction qui vient de paraître à Lyon[1].

Il est surprenant que l’on ait accordé jusqu’ici peu d’attention à ce personnage très curieux, à ce païen gaulois, sénateur et consul, homme d’esprit et homme de parti, dont les vers ingénieux prouvent sans réplique ce que l’on peut nommer la vitalité gauloise, vitalité qui ne se dément jamais. À travers les variations de l’histoire et les vicissitudes des temps ; sous la monarchie, l’anarchie, le fédéralisme, la féodalité, l’épiscopat, la France, soumise à toute la variété des gouvernemens et des institutions, a pu faiblir, mais elle s’est maintenue ; elle a pu souffrir, languir, s’affaisser, mais elle a constamment vécu. Jamais elle n’a succombé à cette léthargie qui abat mœurs et lois, présent et avenir. C’est un corps dont la souplesse multiplie la force, et qui supplée par l’activité des ressorts à la vigueur musculeuse, quand cette dernière vient à manquer. Aux temps de malheur et de décadence, sous l’obscurité et la barbarie, l’étincelle du progrès et l’espoir de la renaissance se réfugient toujours dans la Gaule. Vers l’année 420, notre Rutilius écrit des vers presque aussi bons que ceux d’Ovide. Quel poète et quel prosateur conservent, au IVe siècle, un souffle de la tradition romaine ? Deux gaulois seulement, Sulpice Sévère et Ausone. La Gaule survit sans cesse au monde détruit.

Les excellentes notes et les commentaires dont les éditeurs allemand, français et anglais ont honoré ce vieux concitoyen, nous ont permis de l’étudier d’assez près, et cette étude offre un intérêt historique très piquant. Il y a quatorze cent vingt-six ans, ni plus ni moins, que ce Gaulois, après avoir gouverné la ville de Rome sous l’empereur Honorius, s’embarqua dans le port d’Ostie, et, côtoyant l’Étrurie et la Ligurie, revint dans son pays, que les uns croient être Poitiers et les autres Toulouse. Il avait été consul, maître des offices, préfet de Rome. Dévot au paganisme et rempli d’enthousiasme pour la vieille foi, notre homme fut renversé avec les idoles païennes. Il perdit son crédit lorsque le christianisme acheva de triompher. Il ne manquait ni de vanité, ni d’ambition, ni d’esprit, ni de savoir. Son dépit fut vif. Il se vengea comme les gens d’esprit

  1. Itinéraire de Rutilius Claudius Namatianus, etc., traduit en français avec commentaires par F. Z. Collombet. Paris, Delalain.