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LITTÉRATURE ANGLAISE.

et originale poésie ; les petites stances, les strophes élégiaques, les élans d’un lyrisme imitatif, ne manqueront jamais à une langue dont le rhythme iambique est si commode et la rime de si bonne composition ; je veux parler aussi du drame original et inventé, car les mélodrames et vaudevilles français, les calques de nos opéra-comiques et les fac-simile de nos mimodrames apportent encore de délicieuses sensations à la bourgeoisie anglaise. Les poèmes qui s’intitulent dramatiques, et que leurs auteurs font imprimer, sont aussi très nombreux ; la première tentative d’un jeune homme qui croit avoir du génie se résout en Angleterre par une pièce shakspearienne, sans rime et sans bon sens ; de même qu’en France tous les jeunes aiglons de la poésie déploient leurs ailes vers la tragédie romantique, légitime et défunte héritière de la tragédie classique. À quoi bon citer les noms de ces mort-nés de la vanité impuissante ? Laissons se briser et se perdre l’écume inutile des littératures fatiguées. Voyant les salles de Drury-Lane et de Covent-Garden rester vides et sombres comme de grands caveaux mortuaires, en dépit des efforts de Macready, de Bunn, de Bulwer et de Sheridan Knowles, les faiseurs de projets s’ingénient pour hâter ce qu’ils appellent la résurrection du drame en Angleterre. Récemment un auteur nouveau, M. Stephens, persuadé que les directeurs sont seuls coupables de cette décadence, a loué la salle de l’Opéra de Londres, engagé des acteurs, fait peindre des décorations et représenter à ses frais le chef-d’œuvre de sa création, une tragédie intitulée Martinuzzi. Vastes affiches, annonces prodigieuses, claqueurs habilement distribués, ont rendu sa chute plus sanglante ; le public a commencé par rire et a fini par siffler. Des trois ou quatre ouvrages récemment publiés sur la situation déplorable du théâtre anglais, des longues dissertations et des ingénieuses déclamations qu’ils contiennent[1], on ne peut rien recueillir, sinon que l’art dramatique anglais est parvenu à son dernier période, que le public s’y intéresse fort peu, que les hommes de talent ne savent pas construire une pièce, que les acteurs et les gens de métier n’ont pas le moindre talent, et qu’il faut prononcer le de profundis sur cette grande muse dont Shakspeare avait fait la gloire. Les auteurs des divers ouvrages qui signalent ce décès, nous envient extrêmement, à nous Français,

  1. The Stage before and behind the curtain, by A. Bunn. — Past and present state of dramatic literature. — Stage effects or on the principles which command dramatic effect on the theatre, by Edward Mayhew ; 1841-1842.