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rantie contre les vents du nord et de l’ouest, sa rade vaste et profonde est si sûre, que les arrivages n’y sont jamais interrompus, même en hiver. Les plus gros navires y mouillent sur un fond de dix à quinze brasses, dans l’anse de Sokhanlik, tandis qu’au sud de la ville les vaisseaux plats trouvent un mouillage de cinq brasses. L’inconvénient de ce port naturel est d’offrir trop d’ouverture, et de ne pouvoir être fermé ni défendu efficacement contre l’attaque d’une flotte ennemie. Mais les Bulgares n’aspirent point à combattre sur mer, et, s’ils recouvraient seulement la plus modeste existence politique, ils auraient dans ce port marchand, si peu éloigné de Constantinople, de Trébizonde et d’Odessa, une source féconde de richesses. Il suffit de se promener sur les chantiers de Varna pour admirer la dextérité de ces fils du Balkan devenus pilotes et constructeurs de navires.

Depuis qu’elle a été prise et saccagée par les Russes, Varna n’est plus qu’un amas de huit mille chaumières délabrées, où vivent à peine vingt-cinq mille ames. Tous les riches Bulgares ont dû fuir, après avoir été rançonnés par ceux qu’ils avaient appelés leurs libérateurs. La Russie n’a point voulu souffrir ici une rivale d’Odessa. Aussi cette belle côte est-elle précisément la partie la plus ravagée de la Bulgarie.

Au nord de Varna s’étend la vaste plaine marécageuse connue sous le nom de Dobroudja. C’est une steppe à collines basses, sans arbres, mais couverte d’une herbe parfois si haute, que le voyageur peut s’y perdre. Les Bulgares Dobroudji, espèce de Kosaques toujours à cheval et qui ne vivent que dans les pâturages, ont donné leur nom à ces côtes. Ces Bulgares se sont mêlés avec les Tatars-Nogaïs de Moldavie, qui régnèrent dans ces contrées jusqu’au XVIIIe siècle ; de toutes les tribus bulgares, c’est celle qui a conservé le moins fidèlement la pureté de sa race.

Deux routes mènent de Varna au Danube, celle de Silistrie ou de Valachie, et celle qui, longeant la mer Noire, tend vers la Moldavie. En suivant cette dernière route, on trouve près de Kavarna, entre Tcherna-Voda et Kostendche, des vestiges de la muraille et du fossé que Trajan fit construire à travers cet isthme, au sud des lacs de Kara-Sou. La chaîne rocheuse du Babadagh traverse ces lacs marécageux, et, en forçant le Danube à aller se décharger vers le Pruth, au lieu de suivre sa pente au sud, elle le rend tributaire des Russes. Cette chaîne passée, on arrive à Matchine, puis à Mokrova, lieu d’embarquement pour Galats. Là dort comme un lac immense le fleuve