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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

et ne recevrait pas dans son sein les principaux torrens de la Thrace, l’Arda (Harpessus), l’Usundcha et la Tcherna.

Philibé, où les Turcs sont encore assez nombreux, est toujours censée faire partie des districts ottomans ; mais Bazardjik, à huit lieues plus loin dans les Balkans, ne renferme plus que des Bulgares. Une longue plaine de sable, vraie steppe tatare, sans habitations, où des troupeaux de chevaux paissent en liberté l’herbe rare, sépare Philibé de Bazardjik, ville très commerçante de dix à douze mille ames. Ses habitans ont, les premiers d’entre les rayas, obtenu à force d’or, du sultan Mahmoud, un firman pour construire une église nouvelle, contradictoirement aux lois de l’islamisme, qui défendent à tout chrétien de souiller par de pareilles constructions le sol du saint empire. Entouré d’une cour carrée dont les hauts murs le dérobent aux regards des pachas, que cette vue pourrait irriter, ce vaste et beau temple vient d’être achevé dans le style des primitives basiliques. Il n’est pas le seul qui se soit élevé depuis peu, et, sur plus d’un point de la Bulgarie, des chapelles en pierre ont remplacé les granges de bois.

Au-dessus de Bazardjik commence le Balkan. Deux portes principales s’ouvrent dans ces remparts de la nature : la porte de Trajan et la Porte-de-Fer, débouchant, l’une vers Sofia et les vallées danubiennes, l’autre sur Varna et la mer Noire par Kasanlik et Choumla. Ces portes marquent les limites septentrionales de la Zagora, qui, au midi, n’a point de frontières précises, et s’étend, pour ainsi dire, chaque jour. Essentiellement agriculteur, le Bulgare se répand partout où il reçoit des terres ; cette active population croît à vue d’œil, et inonde la partie musulmane de la Romélie, où le spahi, indolent et trop fier pour labourer, lui afferme à bas prix les plus riches terrains. L’empiètement de la race slave et chrétienne sur la race ottomane n’a pas lieu d’ailleurs seulement dans les campagnes : les villes turques de la Thrace se remplissent peu à peu de Bulgares. Slivno, l’antique Selymnia, en compte 4,000 sur 12,000 habitans ; ils remplissent, comme ouvriers, les fabriques d’Eski-Sagra, cité de 20,000 ames ; ils couvrent les marchés de Kirk-Kilissé (les quarante églises), amas confus de 4,000 maisons ruinées, où ils apportent leur beurre et leur fromage, que les juifs allemands de cette ville ancienne vont vendre à Stamboul. Tout le district de Kasanlik, qu’on pourrait appeler le pays des roses, tant la plaine en est couverte, est cultivé principalement par des Bulgares. Enfin, on les trouve mêlés aux Turcs dans toutes les vallées qui avoisinent le grand port de Bourgas, et de là ils se