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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

d’arbres et exhaussée sur une terrasse à escaliers, offre dans sa vaste coupole, portée par des ogives aériennes et des galeries à jour, un chef-d’œuvre de grace et de bon goût. La Maritsa en baigne les murs. À six lieues plus loin, on retrouve cette rivière devant le caravansérail d’Irmenli. L’écurie de cet édifice est à elle seule un monument. Traversée dans toute sa longueur par deux galeries supérieures, bordées de cellules d’où les chameliers peuvent surveiller leurs chameaux qui reposent, elle est bâtie en briques rouges, et élève à une hauteur remarquable son toit aigu. Cette écurie est percée aux deux extrémités de trois immenses rosaces à arabesques grecques, qui font songer aussitôt, devant cet édifice musulman, aux basiliques de l’antiquité.

Près de Philibé, la plaine nue commence à se revêtir de quelques bouquets d’arbres ; sur les rives du fleuve, le laboureur bulgare remplace le pasteur ottoman. L’accroissement de cette population travailleuse se remarque surtout au prix des denrées, qui s’abaisse de plus en plus.

En entrant à Philibé, capitale de la Zagora, on est frappé de la magnifique situation de cette ville sous le rapport pittoresque et commercial. Disposée en amphithéâtre, elle s’élève par gradins des bords de la Maritsa, qui baigne les quartiers nouveaux, jusqu’à la vieille ville, qui entoure le grad ou la forteresse, bâtie par les Byzantins sur une roche escarpée. Dans le grad se rencontrent encore des fragmens reconnaissables de murs grecs, et, même dans la ville basse, il n’est pas rare de trouver aux portes des hanes de beaux chapiteaux antiques qui servent de marchepied aux cavaliers. La tcharchia, fermée par des portes, est, comme dans toutes les villes bulgares, un labyrinthe de rues couvertes en planches, avec des ouvertures qui laissent tomber un faible jour sur les rangées de boutiques où vivent entassés des milliers de marchands chrétiens et turcs. Comme en Russie, chaque marchandise y a son quartier fixé. Des fontaines répandent la fraîcheur dans ces rues étroites où l’air circule avec peine. On y trouve aussi de petites mosquées ornées extérieurement de palmes peintes, et où le croyant d’Asie va prier aux cinq heures du jour. La cathédrale turque, ou mosquée du vendredi[1], construite en forme de croix grecque, est probablement une ancienne église que les vainqueurs ont entourée d’un grand portique à l’orientale. Dominant la ville du haut d’un coteau, avec ses coupoles couvertes,

  1. Ce jour est le dimanche des mahométans.