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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

Le Bulgare, il faut le dire, joint à ces qualités de graves défauts. Il a l’esprit borné ; inférieur à ses voisins par l’intelligence, il contraste surtout par sa lourdeur et son flegme avec les Slaves vifs et pétulans qui l’environnent. Si le Grec dans la péninsule a la suprématie de l’intelligence et le Serbe celle du courage, le Bulgare ne peut prétendre qu’à la supériorité de la patience et du travail ; mais cette supériorité lui est bien acquise. La race bulgare bêche et cultive partout où elle peut ; jusque sur les grands chemins des caravanes, elle va planter des arbres, dont le voyageur seul aura les fruits. Elle alimente Constantinople, et soutient à elle seule l’agriculture dans cet empire de pasteurs et de marchands. On écrase le Bulgare d’avanies ; les percepteurs des impôts, quand il ne peut plus les payer, le dépouillent même de son héritage : cependant rien ne le dégoûte du travail ; l’amertume au cœur, il s’en va plus loin élever une hutte et défricher de nouveau. Son instinct le porte à rendre partout la terre habitable, comme celui des Grecs les appelle à la couvrir de riches cités.

Les femmes bulgares sont douces, compatissantes et laborieuses. Leur taille est haute et svelte. Elles offrent, après la femme grecque, le plus beau type de femme de la Turquie européenne. Les soins de mère et de sœur dont elles entourent l’étranger logé dans leurs cabanes, sont vraiment touchans. Aucun mouvement de fausse pudeur ou de défiance n’éloigne de l’inconnu la femme bulgare ; elle est trop sûre de sa vertu pour recourir aux précautions qui ailleurs sont nécessaires. Le voyageur dort sur le même plancher, avec la mère, l’épouse et les filles.

Mêlé dès l’origine aux Tatars du Volga, le Bulgare n’est lui-même qu’un Tatar converti au slavisme. Il a conservé des traces nombreuses de son premier genre de vie. Comme le Tatar, il a la tête rasée et ne garde au sommet du crâne qu’une longue mèche de cheveux, qu’il partage en deux tresses. Comme l’enfant des steppes, il est inséparable de son cheval. Chaque Bulgare de la campagne, sans excepter le plus pauvre, a le sien, qu’il monte sans cesse, même pour faire quelques centaines de pas hors de sa cabane. Des têtes décharnées de chevaux ou de buffles sont plantées sur des piquets devant sa demeure ; c’est pour le paysan bulgare un signe de puissance.

Quoique vivant dans le même pays, l’Ottoman et le Bulgare s’habillent aujourd’hui d’une manière toute différente. Venu du midi, l’Ottoman se revêt d’une étoffe légère de lin ou de coton à larges