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REVUE. — CHRONIQUE.

diffret a resserré volontairement son cadre. Les points qu’il développe sont ceux où il a des critiques et des idées neuves à exprimer.

M. d’Audiffret couronne son système des revenus publics par une grande pensée. Il demande la création d’un conseil général des impôts, chargé de centraliser toutes les études relatives aux diverses branches des revenus de l’état, et de fixer, avec le secours du temps et des lumières, l’égalité proportionnelle des charges publiques : institution supérieure dont le rôle serait en quelque sorte de diriger dans une voie sûre les destinées financières de la France. Ce conseil serait présidé par un membre spécial du cabinet, assisté d’un vice-président et de conseillers inamovibles. Cette pensée, déjà réalisée en Angleterre, répond à un besoin de notre pays. Dans notre société, si longtemps agitée par les révolutions, l’égalité proportionnelle des charges publiques a été jusqu’ici une chimère que personne n’a osé rêver. Le problème a toujours passé pour insoluble. Les forces contributives du pays n’ont même été l’objet d’aucun travail d’ensemble. Les diverses combinaisons de l’impôt direct et indirect ont passé successivement d’un régime à un autre, tantôt adoptées dans leur forme primitive, tantôt modifiées par les circonstances, sans que personne ait conçu l’idée de les rattacher à des lois communes. Aucun homme d’état, aucun ministre n’a fixé les bases d’un système général de contributions publiques. La tâche est immense en effet ; elle exige des documens innombrables, du temps, de l’esprit de suite, une tranquillité que la France n’a pas encore connue, et une loyauté qu’elle a vue rarement dans les principes du pouvoir.

Mais cette œuvre, qui n’aurait pu s’accomplir sous des gouvernemens dont elle eût dévoilé l’injustice, un gouvernement libre, régulier, sincère, peut l’entreprendre. L’égalité devant l’impôt est un des droits les plus chers aux citoyens d’un état libre ; chercher les bases de cette égalité, la protéger contre l’esprit de système, contre les erreurs ou les passions des partis, contre l’égoïsme des localités, est donc un des premiers devoirs du gouvernement. M. d’Audiffret sollicite l’administration et les chambres de remplir ce devoir ; il les invite à créer dans ce but une institution puissante, qui les éclaire et les soutienne dans les voies de la justice. L’administration et les chambres avouent souvent leurs incertitudes sur les questions d’impôts. M. d’Audiffret propose de livrer ces questions aux études d’une commission permanente, dont l’autorité soit garantie par l’indépendance et les lumières. Le conseil général des impôts embrasserait l’ensemble et les détails de la fortune publique, évaluerait les forces contributives de la propriété, du commerce et de l’industrie, établirait entre elles un juste niveau, fixerait l’assiette et la répartition des taxes d’après des lois générales, et assurerait leur égalité sur des bases inébranlables. Son action fortifierait le pouvoir en le dépouillant du caractère fiscal qu’il conserve encore aux yeux des masses, et la sécurité qu’elle ferait naître rendrait l’impôt moins lourd aux citoyens.

Telles sont les principales mesures que M. d’Audiffret a proposées dans