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depuis cinquante ans. Telle est l’œuvre d’une révolution démocratique. Quoi qu’il en soit, M. d’Audiffret ne propose pas de réparer les pertes de la propriété foncière. Une intelligence comme la sienne sait accepter les faits voulus par la force des choses. Il les juge sans passion, et ne songe qu’à prévenir les suites funestes que le développement du mal pourrait entraîner.

Les idées de M. d’Audiffret sur ce point sont celles de tous les hommes franchement dévoués à nos institutions nouvelles. Les préjugés et les passions que la propriété foncière a autrefois soulevés contre elle n’existent plus. Accessible à tous, et mobile comme la société même, elle ne peut causer d’ombrage à personne. Elle est amie de l’ordre, sans pouvoir nuire à une liberté sage. Elle n’a point de priviléges exclusifs ; elle est sans orgueil et sans faste. Aucun esprit sensé ne peut donc redouter aujourd’hui son influence, et, s’il y a des moyens équitables de diminuer les charges sans priver le trésor des ressources qui lui sont nécessaires, l’opinion modérée qui gouverne le pays depuis douze ans verra dans l’application de ces moyens un acte juste et salutaire. Les mesures que M. d’Audiffret propose dans le but d’alléger le poids des charges immobilières sont nombreuses. Nous venons de voir que sa théorie de l’impôt direct, par la répartition égale des charges financières et par leur fixité, offrirait à la propriété des garanties précieuses. M. d’Audiffret réclame en outre la révision du tarif des boissons. Il demande un système où le producteur, déjà frappé par l’impôt direct, ne soit pas atteint dans la consommation de sa récolte. Au droit de circulation, il propose de substituer une taxe générale de consommation basée sur la valeur vénale. Pour soulager la propriété foncière, M. d’Audiffret réclame de plus des mesures utiles à l’agriculture. Enfin, il demande une loi qui réprime les exigences abusives des officiers publics. Il veut qu’on leur impose un tarif modéré dont l’application soit garantie par la sévérité des amendes et par une surveillance rigoureuse. Cette réforme, que l’intérêt de la propriété réclame, et que l’équité commande, n’a échoué récemment que par l’effet de circonstances fortuites et par une opposition passagère. La politique a dénaturé le caractère du débat en s’y mêlant. Des circonstances plus calmes rendront au gouvernement et à tous les amis de l’ordre la liberté de leur opinion sur ce sujet. On verra l’étendue du mal, et on y portera remède. D’ailleurs cette réforme si nécessaire a aujourd’hui des partisans jusque dans les rangs de ceux qu’on a voulu protéger contre elle. Un grand nombre de titulaires d’offices la réclament. Leur probité souffre au milieu des abus qui les entourent, et ils sont les premiers à en solliciter la répression.

On lira avec fruit les opinions particulières de M. d’Audiffret sur plusieurs questions à l’ordre du jour, entre autres celles des sucres et des monnaies. Nous eussions désiré cependant plus de détails sur ces deux questions. Celle des monnaies, surtout, est un sujet peu connu ; de graves questions de finances s’y rattachent. Les systèmes y sont nombreux, et cette étude, au point de vue de l’histoire et de la politique, présente un vif intérêt. Mais M. d’Au-