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REVUE. — CHRONIQUE.

rences. Jusqu’à ce jour, rien de fait, rien de commencé en commun, à cinq. Quant aux rapports particuliers entre la France et l’Angleterre, ils restaient ce qu’ils étaient. La France voulait-elle supprimer le droit de visite ? dénoncer les traités de 1831 et de 1833 ? Certes nul n’y songeait.

Il ne s’agissait que d’apporter, si on pouvait s’entendre, quelques modifications à ces traités, et d’obtenir par un traité nouveau le concours de toutes les grandes puissances. Le protocole ne paralysait pas la liberté du gouvernement français. L’ambassadeur avait fait les réserves nécessaires. Dès-lors quel motif ou quelle obligation avait-on de s’expliquer avant de connaître la réponse des trois cours, et lorsque le refus d’une seule d’entre elles eût été une raison suffisante de tenir le protocole pour non avenu, et de maintenir le statu quo ? C’était au retour des courriers de Vienne, de Berlin et de Saint-Pétersbourg, lorsqu’il aurait été appelé à la négociation commune, que le gouvernement français avait à s’expliquer ; c’est alors qu’il devait ou désavouer l’ambassadeur en refusant toute négociation, ou accepter la négociation, tout en usant, dans la discussion des articles, de la liberté que la signature du protocole ne lui avait pas enlevée, liberté qu’il aurait pu rendre plus efficace encore en envoyant à Londres un négociateur tout-à-fait étranger aux préliminaires de cette conférence. M. Sébastiani avait eu besoin de courage pour signer, puisqu’en signant il s’exposait tôt ou tard au désaveu et au rappel. M. Molé se conformait sagement aux habitudes diplomatiques en ne s’empressant pas de faire une réponse que rien n’exigeait dans ce moment, qui ne pouvait ni retarder ni rendre plus rapides les communications déjà faites aux trois cours, une réponse qui ne pouvait devenir efficace que plus tard, qui pouvait être modifiée par les circonstances, et qui pouvait même devenir inutile. Se presser dans ce cas n’eût pas été seulement une vaine démarche, c’eût été une étourderie. La distance qui sépare Londres de Saint-Pétersbourg et la lenteur habituelle des affaires laissaient au cabinet français le bénéfice du temps. Pourquoi s’empresser d’y renoncer ? pourquoi devancer le cours ordinaire et naturel des choses ? Voyez en effet avec quelle lenteur l’affaire a marché.

Cet empressement n’eût été concevable que dans le cas où le gouvernement français aurait repoussé avec indignation toute idée d’une négociation, quelle qu’elle fût, sur le droit de visite. Certes, si demain un ambassadeur signait un protocole pour ouvrir des négociations ayant pour but le rétablissement, chez nous, de la censure, aucun ministère n’hésiterait à le rappeler et à le désavouer sur-le-champ.

Le cas n’était pas le même. Le droit de visite, tel que les conventions l’avaient établi pour l’objet spécial de la répression de la traite, n’était alors contesté par personne. Ni le comte Molé lui-même, quelles que fussent d’ailleurs ses opinions personnelles sur ce sujet, reconnaissait comme homme politique, comme ministre du roi, que, dans l’état des choses, les conventions de 1831 et de 1833 devaient être religieusement observées, qu’il était à désirer