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DU MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE.

gime de publicité qui fait la principale sauvegarde de nos libertés, il faudrait le laisser subsister pour les professeurs, et particulièrement pour les professeurs de philosophie.

Il y a plus : ce n’est pas seulement un droit pour le clergé catholique de discuter les opinions philosophiques qui lui paraissent contraires à la doctrine de l’église, c’est un devoir, et un devoir strict ; il doit le remplir avec courage, s’il y a lieu ; mais je n’admets pas qu’il puisse y avoir du courage à dire aujourd’hui, en France, son opinion sur des matières religieuses ou philosophiques. C’était au clergé de s’honorer lui-même, en conservant la modération et la dignité qui convenaient à son caractère et à la gravité de l’objet de la discussion. Si ceux de ses membres qui ont pris part à la querelle ne l’ont pas fait, il serait aussi injuste d’en accuser le clergé tout entier que de conclure d’une ou deux phrases mal construites tirées de je ne sais quel livre profondément ignoré de tout le monde, que l’Université est matérialiste, panthéiste, et, que dit-on encore ? athée.

On a cité un certain nombre de phrases de M. Gatien-Arnoult, et elles sont vraiment plus ridicules que pernicieuses. La seule défense possible pour M. Arnoult serait de prouver qu’il ne les a point écrites. M. Ferrari, que l’on avait accusé d’avoir professé les doctrines du communisme, a répondu par le démenti le plus formel. Nous verrons se renouveler l’aventure du jésuite Edmond Campian, qui avait lu dans Luther que l’épître de saint Jacques est un ouvrage de paille, qui fut poursuivi pour l’avoir dit, et qui, pour préparer sa défense, chercha dans tous les ouvrages de Luther le passage qu’il avait cité, et ne l’y trouva point. M. Ferrari a pris le parti de publier ses leçons[1], et il a fort bien fait. Tous ceux qui ont suivi sort cours, peuvent maintenant le traiter d’imposteur, s’il a publié autre chose que ce qu’il a dit. Mais il est évident qu’on avait pris le change sur ses doctrines, et sa publication ne laisse pas de doute à cet égard. En vérité, cela était à peine nécessaire. Qu’un homme instruit, un docteur de la faculté des lettres de Paris, envoyé dans une ville telle que Strasbourg pour y suppléer M. l’abbé Bautain, conçût le projet de se déclarer communiste en pleine chaire, et s’imaginât qu’il pourrait le faire sans être immédiatement chassé de l’Université, c’est une folie tellement insigne, qu’une pareille accusation ne pouvait s’accréditer. Si M. Ferrari avait oublié à ce point le sentiment de

  1. Idées sur la politique de Platon et d’Aristote, par J. Ferrari. Paris, chez Capelle.