Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/829

Cette page a été validée par deux contributeurs.
823
LETTRES DE LA REINE DE NAVARRE.

étranger et que nous y sommes dépaysés ; un déplacement dans le temps est comparable à un déplacement dans l’espace ; lire un livre ancien, c’est voyager en esprit dans des contrées que nous ne verrons jamais, et sur lesquelles le guide nous doit toute sorte de renseignemens. Un éditeur est ce guide : son but (y atteindre serait la perfection, impossible en cela comme dans le reste), son but doit être de faire que l’ouvrage qu’il publie se lise aussi couramment qu’un ouvrage contemporain. Une érudition qui ne sait pas reconnaître les véritables obscurités et les éclaircir, quelque riche et variée qu’elle soit, est une érudition mal employée. Dans une notice fort étendue, M. Génin a examiné les principales questions auxquelles pouvaient donner lieu la vie et les écrits de Marguerite. Quant au texte, il a, suivant le besoin, ajouté des notes concises dans lesquelles il explique les allusions, dit ce que sont les personnages nommés, et relève de temps en temps des erreurs échappées aux historiens.

Sans être très abondantes en renseignemens historiques, les Lettres de Marguerite sont loin d’en être dénuées. D’autres lettres plus importantes sans doute, car elles étaient adressées à François Ier, par sa sœur, avaient été autrefois recueillies. « Je ne sais, dit M. Génin, s’il existe encore d’autres lettres de la reine de Navarre, je le crois d’après une indication que j’ai trouvée dans Fontanieu, mais de laquelle je n’ai pu tirer aucun fruit. D’autres seront peut-être plus heureux ; c’est dans cet espoir que je reproduis ici textuellement la note suivante : 1525 et depuis pendant tout le règne de François Ier : Notice d’un manuscrit de la bibliothèque de M. l’abbé de Rothelin, égaré de ceux de M. Dupuy et remis à la bibliothèque du roy par M. l’abbé Boudot : Cent trente-quatre lettres de Marguerite reine de Navarre au roy François Ier son frère. Cent trente-quatre lettres à François Ier, quel trésor ! Peut-être il est enfoui dans quelque recoin de la Bibliothèque royale ; mais où ? MM. les conservateurs, dont la complaisance et l’érudition m’ont tant de fois secouru, n’ont pu me donner de ce manuscrit aucune nouvelle. Évidemment Fontanieu (mort en 1784) l’avait encore entre les mains… On peut être certain que tous les secrets de la cour de François Ier, grands ou petits, politiques ou autres, venaient retentir dans les lettres de Marguerite à son frère. Belle générosité du hasard s’il nous les rendait ! »

Le hasard a eu cette générosité. Depuis que M. Génin a imprimé ces lignes, le manuscrit égaré dans les recoins de la bibliothèque et si vainement cherché a été retrouvé. Sans doute le public sera mis en possession de ce supplément à la correspondance de Marguerite.