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— Mais alors je pourrais chercher dans la mort ma délivrance ! s’écria Estève avec exaltation et en s’approchant d’une fenêtre qui s’ouvrait sur la terrasse pavée en marbre du château.

— Mon frère, répondit froidement le moine, quand vous vous seriez brisé la tête sur ces dalles, Dieu condamnerait votre ame pour l’éternité, et le monde détournerait les yeux avec horreur de votre dépouille mortelle, que je réclamerais, moi, votre supérieur spirituel et l’un des dignitaires de l’abbaye royale de Châalis, où vous avez fait votre profession religieuse.

Un long silence suivit ces paroles.

Estève, la tête baissée sur ses mains, ne manifestait ses angoisses que par les frémissemens douloureux qui ébranlaient tout son corps. Le malheureux succombait à cette agonie ; le courage lui manquait, non qu’il songeât au sort terrible qui l’attendait dans les prisons du monastère, mais parce que le moment de se séparer à jamais de Mme de Champreux était venu. Enfin l’excès de son malheur même lui inspira une sorte d’énergie désespérée, et il dit avec la résolution d’un homme subitement résigné au sacrifice de sa vie : — Avant de partir, me sera-t-il permis de faire quelques dispositions, qui seront comme un testament de mort, et d’écrire à Mme la marquise de Leuzière ?

— Oui, mon frère, répondit le moine ; cette manière de prendre congé d’elle me paraît la plus convenable.

Estève prit alors la plume et écrivit d’abord à la marquise pour la remercier de l’hospitalité qu’il avait trouvée à Froidefont. Ce billet était conçu dans des termes où le respect était mêlé à la plus vive reconnaissance. Ensuite Estève sortit d’une armoire le coffret qui contenait encore près de deux cent mille livres en or ou en joyaux ; après en avoir tiré un rouleau de vingt-cinq louis, il le referma et écrivit la lettre suivante à Mlle de La Rabodière.

« Mademoiselle,

« Au moment de m’éloigner pour jamais des lieux où j’ai passé les plus heureux, les seuls momens heureux de ma vie, je n’ai pas la force de vous revoir pour vous exprimer les sentimens dont mon cœur est pénétré en vous quittant. S’il est une consolation possible pour moi dans l’isolement où je vais me trouver, je la devrai au souvenir que j’emporte de votre amitié.

« Souffrez que je vous confie en partant un soin qui ne saurait