il s’est rangé. Il n’est pas plus heureux dans les explications qu’il a données du mouvement et de la volonté. Les études médicales de M. Bautain semblent avoir eu sur son esprit une singulière influence ; il déguise tous les phénomènes moraux sous des noms empruntés à la chimie, et, quand il a ainsi indiqué une comparaison bizarre entre les lois de l’esprit et celles de la matière, il croit l’explication complète et ne s’aperçoit pas qu’il n’a fait qu’inventer un mot ridicule. Il est triste d’être obligé d’en convenir, mais c’est une maladie propre aux philosophes. Les phénomènes dont ils recherchent l’explication sont si difficiles à saisir, que, quand ils les ont nommés à leur manière, le mot leur fait illusion, et, se plaçant entre eux et l’objet, leur fait croire qu’ils ont supprimé la difficulté. M. Bautain, voulant rendre compte de l’action de l’ame sur le corps, expose et combat successivement les trois hypothèses des causes occasionnelles, de l’harmonie préétablie et du médiateur plastique, et voici la solution qu’il propose : — Les substances ne peuvent pas plus se pénétrer que les centres, donc la substance esprit ne peut agir sur la substance corps ; mais il y a entre l’esprit et le corps un intermédiaire qui établit la communication. Cet intermédiaire n’est pas une substance, dit-il, car il serait ou esprit ou corps ; c’est « le produit immédiat des deux natures, l’ame et le corps, aussitôt qu’elles entrent en mouvement. » Qu’est-ce que ce produit, distinct de la cause, et qui pourtant n’est pas une substance ? Qu’est-ce que cet intermédiaire qui n’est pas une substance et qui a une action ? Qu’est-ce que ce produit des deux natures qui procède à la fois de l’ame et du corps ? M. Bautain appelle ce quelque chose un esprit. L’ame, en agissant, émet son rayonnement ou son esprit. Le rayonnement de l’ame est un esprit psychique, et le rayonnement du corps un esprit physique ; mais ces deux esprits, psychique et physique, sont un seul et même esprit. Cet esprit, qu’on ne s’y trompe pas, c’est un esprit dans le sens chimique du mot. « Les esprits, ajoute l’auteur, sont volatils et expansifs. » Voilà une belle explication, bien démontrée, bien intelligible, qui ne présente point de difficultés et qui rend parfaitement compte de l’action de l’ame sur le corps. Ce qu’on ne peut contester à M. Bautain, c’est que cet esprit, ou psychique ou physique, qui n’est pas une substance, mais un rayonnement, est un esprit de son invention ; mais je doute que personne puisse voir là autre chose qu’un mot qui ne représente aucune idée. L’explication de la propriété qu’a l’opium de faire dormir, par la vertu dormitive, me semble en vérité quelque chose de mieux trouvé, et c’est à Molière,
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DU MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE.