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tion, et prit lui-même le titre de gouverneur de l’île. Les terrains furent divisés par lots, et, pour favoriser le nouvel établissement, le capitaine Elliot fit publier l’avis officiel qu’il avait demandé à son gouvernement qu’une diminution d’un penny par livre fût accordée en Angleterre sur la taxe d’importation pour les thés embarqués à Hong-kong, et qui y auraient été apportés par des embarcations chinoises. Cette espèce de gouvernement de Hong-kong fut complétée par la création d’un journal officiel, fondé sous les auspices du plénipotentiaire anglais ; et, à ce propos, il y a lieu de s’étonner qu’il ne soit pas venu à la pensée de M. Elliot de publier un journal en chinois. Il avait pour cela les plus grandes facilités : plusieurs interprètes étaient et sont encore attachés à la mission anglaise ; cette publication eût pu avoir pour résultat d’éclairer les populations chinoises sur leurs véritables intérêts, et de les rendre moins hostiles aux Anglais. Le capitaine Elliot eût peut-être réussi de cette façon à réaliser en partie les grandes espérances qu’il fondait sur la possession d’Hong-kong. Quoi qu’il en soit, si la guerre se termine selon les vœux de l’Angleterre, il est douteux que cette île soit d’une grande utilité au commerce britannique, qui trouvera plus d’avantage à voir les ports de la Chine ouverts à ses navires qu’à posséder un coin de terre presque stérile, qui coûterait des sommes énormes à fortifier, et dont la garnison dépendrait, pour sa subsistance, de la population chinoise. Il peut cependant entrer dans les projets du gouvernement anglais d’obtenir de l’empereur la permission de former des établissemens sur plusieurs points de la côte, et Hong-kong serait alors une des têtes de ce cordon ; mais c’est là une hypothèse dont la réalisation est difficile à prévoir. La Chine n’est pas encore réduite à accepter de pareilles conditions, et l’Angleterre, toute puissante qu’elle est, rencontrera plus d’un obstacle avant de s’établir sur les côtes du céleste empire d’une manière permanente avec l’assentiment du gouvernement chinois, condition indispensable pour lui assurer des avantages en rapport avec les pertes qu’elle aura à supporter.

Mais revenons à Canton. La guerre allait recommencer. Les Chinois croyaient être prêts ; les immenses préparatifs qu’ils avaient faits leur paraissaient rendre le triomphe certain. Les édits de l’empereur, dont on a assez régulièrement connaissance, car ils sont publiés dans une espèce de journal à l’usage des officiers de la couronne, annonçaient que le moment de la crise approchait. Le muy-kô, ou cabinet impérial, avait été modifié ; deux Mantchoux, promoteurs ardens de la guerre, avaient pris la place de Keschen et d’Elepoo. On ne s’était pas borné à augmenter les fortifications de Canton ; toute la côte, Amoy, Ning-po, l’embouchure du Yang-tse-kiang, Chusan, Teent-sin, étaient hérissés de canons ; des troupes se portaient sur ces divers points de toutes les parties de l’empire. Une lettre du plénipotentiaire, adressée au gouverneur de la province du Chee-kiang, avait été refusée avec mépris par les autorités de Ning-po, quoiqu’elle fût portée par une corvette anglaise. On supposait qu’environ trente mille soldats tartares