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LETTRES DE CHINE.

renouvelées rendirent bientôt évidente l’intention de Keschen de les prolonger aussi long-temps que possible. Le capitaine Elliot commença à douter de sa bonne foi. Un terme de rigueur fut convenu au-delà duquel les hostilités devaient recommencer. Poussé ainsi jusque dans ses derniers retranchemens, Keschen fut obligé de choisir la seule alternative qui lui restât, la ruse. Jusque-là les diplomates d’Europe n’auraient aucun reproche à faire à la conduite de Keschen, elle fut digne du plus habile d’entre eux. Nous verrons tout à l’heure si les circonstances ne l’obligèrent pas à entrer dans une voie moins honorable. Plusieurs entrevues eurent lieu entre Keschen et le plénipotentiaire anglais, à l’une desquelles assista M. J. de Rosamel, commandant la corvette française la Danaïde. Il paraît que la présence de cet officier attira beaucoup l’attention de Keschen, et qu’il fut très caressant et très affectueux pour lui. Le résultat de ces conférences fut un traité préliminaire ; le capitaine Elliot l’annonça à ses compatriotes par l’avis suivant :

« Le plénipotentiaire de sa majesté fait connaître la conclusion d’arrangemens préliminaires entre le commissaire impérial et lui aux conditions suivantes :

« 1o La cession de l’île et du port d’Hong-kong à la couronne d’Angleterre ; toutes charges ou droits équitables seront payés à l’empire chinois par le commerce, comme si ce commerce avait lieu à Whampoa.

« 2o Une indemnité de 6 millions de piastres payée au gouvernement anglais, un million tout de suite, et le reste à des termes annuels égaux, dont le dernier expirera en 1846.

« 3o Communication officielle directe, et sur le pied d’égalité, entre les deux pays.

« 4o Le commerce du port de Canton sera ouvert dans les dix jours qui suivront la nouvelle année chinoise (3 février), et aura lieu à Whampoa jusqu’à ce qu’on puisse faire les arrangemens nécessaires pour la nouvelle possession anglaise (Hong-Kong). Les détails seront le sujet de négociations ultérieures. »

Le plénipotentiaire déclare ensuite que le gouvernement de sa majesté britannique ne revendique aucun privilége exclusif pour les marchands et navires de sa nation, et il offre la protection du pavillon britannique aux sujets et navires des nations étrangères qui visiteraient cette possession de la couronne d’Angleterre. En échange de ces avantages concédés par la Chine, l’Angleterre s’engageait à évacuer Chusan et à rendre les deux forts du Boca-Tigris.

Cette pièce porte la date du 20 janvier. À la même époque et comme un corollaire de ce document, Keschen publiait une proclamation dont voici, en substance, la teneur :

« Keschen, grand ministre de l’état, haut envoyé impérial, du second ordre de la noblesse héréditaire, et faisant fonctions de gouverneur des deux provinces du Kouang, écrit cette dépêche afin d’expliquer clairement les choses au tung-he ou keunminfou (maire) de Macao.