en apprenant que la mission de Lin avait produit d’aussi funestes résultats. Il est évident, à la lecture de cette pièce, que l’empereur ne désapprouve point les mesures prises par Lin, mais qu’il ne peut lui pardonner de n’avoir pas réussi. En voici la traduction :
« Le deuxième jour de la neuvième lune (27 septembre), l’édit qui suit a été reçu (édit vermillon) :
« Lin Tsihseu, tu as reçu mon ordre impérial d’aller à Canton et d’examiner et diriger les affaires relatives à l’opium, afin d’exterminer et de couper dans sa racine le commerce d’opium et de mettre un terme aux vices et aux maux dont il est la cause. Pour l’intérieur, nos ordres étaient de saisir les natifs pervers, et ainsi d’enlever aux étrangers tout aliment (sans doute pour ce commerce). Pourquoi as-tu tardé si long-temps à régler les affaires concernant ces vils, petits et méprisables criminels, coupables d’ailleurs d’ingratitude, d’insubordination et de désobéissance ?
« Non-seulement tu as montré que tu ne pouvais pas arrêter leur commerce (des barbares), mais aussi tu as prouvé que tu étais incapable de saisir les Chinois pervers. Tu as dissimulé la vérité sous des paroles vides ou profondément mensongères, et, loin d’avoir rendu aucun service dans cette affaire, tu as soulevé les vagues de la confusion, et donné lieu aux désordres sans fin qui naissent de toutes parts. En un mot, tu as agi comme si tes bras avaient été attachés, sans savoir ce que tu faisais. Il paraît que tu ne vaux pas mieux qu’une image de bois. Quand je réfléchis à ces choses, je me sens accablé à la fois par la colère et par la tristesse. Nous verrons comment tu répondras à ces accusations.
« J’ordonne que les sceaux officiels te soient immédiatement enlevés, et que tu te rendes à Pékin avec la rapidité du feu, afin que tu sois examiné en ma présence. »
La réponse de Lin à cet édit tant soit peu paternel est un des documens les plus caractéristiques de tous ceux qui me sont tombés sous les yeux, c’est aussi un véritable monument élevé à la gloire de Lin. Il est le premier qui ait osé dire à son souverain qu’une puissance barbare était supérieure sur mer à la puissance chinoise. Il donne des conseils, et, tout disgracié qu’il est, il sait encore élever la voix pour dire ce qu’il croit utile à la gloire et aux intérêts de son pays. « J’ai lu cet édit, dit-il, à genoux, prosterné ; j’ai frappé la terre avec ma tête, je suis accablé par la honte et la crainte. Des mots ne sauraient exprimer ce que je ressens. » Il reconnaît sa faute ; il offre sa tête aux justes châtimens qui l’attendent, et plus loin il dépose au pied du trône des considérations nouvelles sur l’état des choses. Il parle de la folie que les Anglais ont faite en prenant Chusan, de la mortalité qui décime leurs troupes, et de la nécessité où ils se trouveront bientôt d’évacuer cette île. Il indique le mauvais effet produit sur les puissances étrangères par le blocus de Canton, et il représente la flotte anglaise comme étant à la veille de se trouver enfermée entre les forces chinoises et les flottes des puissances qui viendront défendre contre elle les intérêts de leur commerce.