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LETTRES DE CHINE.

d’en référer à sa cour. Déjà, dans les préliminaires qui venaient d’avoir lieu, deux délais avaient été successivement demandés par Keschen, pour consulter son gouvernement sur des détails de forme ; que serait-ce donc quand on viendrait à traiter la question principale, question vitale pour l’empire, car il ne devait s’agir de rien moins que de renverser, pour ainsi dire, la constitution chinoise, de reconnaître qu’on avait eu tort vis-à-vis d’une nation barbare, de lui accorder une satisfaction et des indemnités, d’abandonner en un mot, pour admettre le commerce étranger sur de nouvelles bases, le système politique suivi depuis tant de siècles ? Peut-être les négociateurs anglais crurent-ils que la terreur imprimée par les faits d’armes récens de l’expédition était suffisante pour amener le gouvernement chinois aux concessions qu’on attendait de lui ; peut-être aussi les difficultés de l’attérage, le peu de moyens dont ils pouvaient alors disposer, leur firent-ils craindre de compromettre, par une nouvelle attaque sans résultat réel, le succès de leur mission. Toujours est-il que Keschen fut nommé par le gouvernement chinois pour aller, à Canton, arranger cette épineuse affaire avec les agens anglais. Le 15 novembre fut fixé pour le jour de son arrivée à Canton. C’était déjà bien du temps gagné, et un temps précieux, car, dans les premiers jours d’octobre, la mousson de nord-est allait commencer à souffler sur toute la côte de Chine, et l’escadre anglaise, renvoyée à quatre cents lieues dans le sud, où elle resterait enchaînée par la violence des vents du nord, laisserait au cabinet de Pékin six ou sept mois, pendant lesquels il pourrait respirer et se préparer aux évènemens ultérieurs.

Le 15 septembre, l’escadre anglaise quitta le golfe de Pechili ; à la fin du même mois, elle était de retour à Chusan, et un armistice était conclu entre les parties belligérantes. La lecture de l’édit publié sous le nom de l’empereur, par le cabinet de Pékin, après la conclusion de ces négociations préliminaires, suffira pour vous faire bien apprécier la manière dont le gouvernement chinois envisageait cette transaction.

« Le vingt-deuxième jour de la huitième lune (17 septembre), la déclaration impériale qui suit a été reçue :

« Dernièrement les Anglais barbares étant venus à Teent-sin (à l’embouchure du Pei-ho), et ayant présenté une adresse pour se plaindre, j’ai remarqué que le style de cette adresse était respectueux et soumis, et qu’ils suppliaient, avec les plus grandes instances, que la faveur et la bonté impériale leur fussent accordées ; j’ai pensé qu’il était juste que je donnasse à Keschen l’ordre de préparer, avec la plus grande attention et le plus grand soin, un édit lucide enjoignant aux Anglais de se garder de causer le moindre désordre ou confusion, mais leur permettant de se rendre à Canton, et là de se soumettre (peut-être de se prosterner : la traduction anglaise est to knock head) et de présenter leurs griefs ; et, s’il paraissait qu’ils eussent de justes sujets de plainte, ordonnant audit grand ministre de faire un rapport en leur faveur, et de solliciter pour eux la clémence impériale.